Tous les conflits du monde exigent notre attention. Mais c’est celui qui se déroule en Algérie qui demande de notre part des positions fortes et courageuses en vue de le solutionner.
John F. Kennedy – Algerian Speech – 1957
Aujourd’hui, cela fait 61 ans que John F. Kennedy a été abattu à Dallas, au Texas. Le président américain, célèbre pour ses positions audacieuses, s’est notamment illustré par son discours en faveur de l’indépendance algérienne, connu sous le nom de Algerian Speech (1). Pour les Algériens, il restera celui qui, le 2 juillet 1957, au Sénat des États-Unis en tant que sénateur démocrate du Massachusetts, prononça un discours-réquisitoire contre la France coloniale et sa guerre génocidaire en l’Algérie.
Cet engagement pour la justice et la souveraineté lui a valu des alliés, mais aussi de puissants ennemis. A cet effet on trouve l’hypothèse selon laquelle l’agence de renseignement israélienne, le Mossad, aurait joué un rôle de premier plan. Des preuves significatives suggèrent que cette agence avait les motifs, les moyens et les connexions impliquant son rôle dans le complot visant à tuer Kennedy.
À première vue, l’idée d’une implication israélienne semble improbable. Les récits traditionnels se concentrent sur des facteurs internes, comme le crime organisé ou les dissensions au sein de la CIA. Cependant, la relation tendue entre Kennedy et Israël révèle des motifs des plus probables. Il s’est heurté au Premier ministre israélien David Ben Gourion à propos de la prolifération nucléaire, s’opposant au programme nucléaire israélien à Dimona et exigeant des inspections. Ben Gourion percevait cela comme une menace existentielle pour la survie d’Israël, qu’il avait âprement défendue. Ce désaccord politique, combiné aux positions diplomatiques plus larges de Kennedy, l’a positionné comme un obstacle aux ambitions israéliennes.
Un autre élément important du complot relie le Mossad à Meyer Lansky, l’architecte infâme juif du crime organisé. L’influence de Lansky s’étendait bien au-delà de la mafia, croisant des réseaux politiques, financiers et de renseignement. Lorsqu’il a été soumis à des pressions judiciaires aux États-Unis, Lansky a cherché refuge en Israël, mettant en évidence ses liens étroits avec l’État. Beaucoup des figures mafieuses impliquées dans l’assassinat de Kennedy—comme Carlos Marcello et Santo Trafficante—étaient sous le contrôle de Lansky. Si le crime organisé a joué un rôle dans l’assassinat, la supervision de Lansky et ses connexions avec le Mossad ne peuvent être ignorées.
Mais le lien le plus convaincant entre l’assassinat de Kennedy et le Mossad réside dans les opérations de Permindex, une corporation obscure. Des figures comme Clay Shaw, un agent de la CIA, et Louis Bloomfield, un sioniste canadien lié au renseignement israélien, étaient profondément impliquées dans Permindex. Cette corporation reliait le Mossad, la CIA et le syndicat de Lansky par des transactions financières complexes. Tibor Rosenbaum, un agent du Mossad et financier de Permindex, facilitait le blanchiment d’argent via sa banque suisse, la Banque de Crédit International. Ces éléments relient les agences de renseignement, le crime organisé et le Mossad dans un réseau unifié capable d’orchestrer un tel acte monumental.
Les critiques soutiennent que cette théorie repose sur des connexions fragiles et des preuves circonstancielles. Par exemple, ils affirment que les différends politiques de Kennedy avec Israël étaient significatifs, mais pas suffisamment graves pour provoquer une telle réponse extrême. Cependant, cette objection sous-estime l’importance existentielle perçue par le gouvernement de Ben Gourion. La dissuasion nucléaire était considérée comme essentielle à la survie d’Israël, rendant l’opposition de Kennedy particulièrement menaçante.
Une autre objection met en avant les explications nationales, comme l’implication de la mafia ou de la CIA. Bien que ces groupes aient certainement joué des rôles, leurs intérêts s’alignaient souvent avec ceux d’Israël, en particulier dans les opérations anti-Castro et les politiques au Moyen-Orient. Permindex fournit un conduit clair pour la collaboration entre ces factions. De plus, James Jesus Angleton, chef du contre-espionnage de la CIA et allié fidèle du Mossad, illustre la profondeur des liens entre les services de renseignement américains et israéliens à cette époque. Cette collaboration renforce la plausibilité de l’implication du Mossad dans le cadre d’une coalition plus large.
La théorie gagne en crédibilité grâce aux soutiens de personnalités éminentes. L’ancien membre du Congrès américain Paul Findley et des initiés des services de renseignement français ont tous deux suggéré une possible implication du Mossad. Ces soutiens, bien qu’ils ne constituent pas des preuves définitives, renforcent l’idée que l’influence du Mossad allait au-delà des limites conventionnelles, impactant les événements mondiaux de manière inattendue.
Soixante et un ans après l’assassinat de Kennedy, la quête de vérité continue. En examinant les relations tendues de Kennedy avec Israël, l’empire criminel de Lansky et les opérations de Permindex, un récit cohérent émerge. Alors que d’autres forces, telles que la CIA et le crime organisé, ont probablement été impliquées, le rôle du Mossad est le « maillon manquant » crucial.
La mort de Kennedy n’a pas été qu’une tragédie américaine ; ce fut une cabale mondiale influencée par l’interaction complexe entre agences de renseignement, crime organisé et ambitions géopolitiques. Les pièces du puzzle—l’opposition de Kennedy au nucléaire, les connexions de Lansky et le réseau opaque de Permindex—suggèrent une conclusion glaçante. Alors que de nouvelles preuves émergent, nous devons rester ouverts à la révision des récits établis et envisager des possibilités qui défient nos hypothèses.
Khaled Boulaziz