Rapport mitigé de la Banque mondiale : l’Algérie entre chiffres économiques et réalités sombres

Introduction

Le dernier rapport de la Banque mondiale sur l’Algérie souligne plusieurs points économiques positifs, mais le pays fait face à des défis importants. Malgré certains progrès économiques, l’Algérie doit faire face à un chômage élevé, à l’inflation, à une forte dépendance aux importations alimentaires, en particulier le blé, et à des exportations limitées hors hydrocarbures. Ces problèmes économiques sont aggravés par des décisions unilatérales dans un environnement non démocratique.

Aspects économiques positifs

  1. Secteur des hydrocarbures : Le secteur des hydrocarbures reste la pierre angulaire de l’économie algérienne. La production de gaz naturel du pays a augmenté de 6,1 % d’une année sur l’autre en 2023, grâce à la mise en service de nouveaux champs. Bien que la production de pétrole ait diminué en raison des réductions des quotas de l’OPEP, les exportations de gaz naturel sont restées stables, avec une plus grande part exportée sous forme de GNL. Cela a permis de maintenir les revenus des exportations d’hydrocarbures malgré la baisse des prix du pétrole​​.
  2. Investissement public et infrastructure : L’Algérie a investi de manière significative dans les infrastructures publiques et les secteurs industriels. Les investissements dans des secteurs tels que l’acier, la mécanique, l’électrique et l’électronique ont montré une forte croissance, bien que la production manufacturière publique reste inférieure aux niveaux pré-pandémiques. Les efforts du gouvernement pour stimuler l’investissement à travers de nouvelles lois, telles que la loi sur l’investissement de 2022 et la loi foncière de 2023, visent à encourager l’investissement privé et la diversification hors des hydrocarbures​​.
  3. Taux de change et politique monétaire : La Banque d’Algérie a soutenu un taux de change stable pour atténuer l’inflation importée, appréciant le dinar de 6,6 % par rapport au dollar américain entre juillet et décembre 2022. Cette politique, combinée à des mesures de contrôle modéré de l’inflation, a contribué à stabiliser l’environnement économique​​.

Principaux défis économiques

  1. Chômage élevé : Malgré certaines améliorations, le chômage reste un problème majeur. Le taux de chômage global a légèrement diminué pour atteindre 12,3 % en 2023, mais les taux de chômage des femmes et des jeunes restent élevés à 21,5 % et 31,3 %, respectivement. Ce chômage élevé persistant souligne la nécessité de diversifier l’économie et de créer des emplois dans les secteurs hors hydrocarbures​​.
  2. Inflation : L’inflation a été un problème persistant, affectant particulièrement les prix des denrées alimentaires. En 2023, les prix des denrées alimentaires ont augmenté de 13,3 %, les produits alimentaires frais enregistrant une hausse de 22,1 %. Cette inflation élevée a touché de manière disproportionnée les populations les plus vulnérables, les aliments représentant une part importante de leurs dépenses​​.
  3. Importations alimentaires et défis agricoles : L’Algérie dépend fortement des importations alimentaires, en particulier le blé, en raison d’une production agricole domestique insuffisante. Le pays a été confronté à des défis tels que la sécheresse et une faible croissance de la végétation dans les principales régions productrices de cultures. Cette dépendance aux importations rend l’Algérie vulnérable aux fluctuations des prix mondiaux des denrées alimentaires et aux perturbations des chaînes d’approvisionnement​​.
  4. Stress hydrique et approvisionnement en eau potable : L’Algérie est confrontée à un stress hydrique important qui affecte l’approvisionnement en eau potable pour la population. Les ressources en eau sont insuffisantes et mal gérées, ce qui pose des défis majeurs pour la sécurité hydrique du pays. La disponibilité limitée d’eau potable exacerbe les conditions de vie déjà difficiles pour de nombreux Algériens.
  5. Système de santé : Le système de santé algérien peine à offrir des services adéquats à une population de plus en plus grande. Les infrastructures de santé sont souvent insuffisantes, avec des équipements et des médicaments en pénurie. De plus, le personnel médical est surchargé et mal réparti, ce qui réduit la qualité des soins disponibles pour les citoyens.
  6. Système éducatif : Le niveau du système éducatif algérien baisse chaque année. Les écoles et les universités souffrent de manque de ressources, de personnel qualifié et d’infrastructures adéquates. Cette dégradation de la qualité de l’éducation compromet l’avenir des jeunes générations et limite les perspectives de développement économique et social à long terme.

Exportations limitées hors hydrocarbures

L’économie algérienne dépend fortement des hydrocarbures, avec une diversification limitée vers d’autres secteurs. Les exportations hors hydrocarbures restent minimes, et le pays n’a pas significativement élargi sa base d’exportation au-delà du pétrole et du gaz. Ce manque de diversification expose l’économie aux fluctuations volatiles des prix mondiaux du pétrole et aux risques géopolitiques​​.

Environnement non démocratique

L’un des problèmes les plus critiques auxquels l’Algérie est confrontée est la prise de décisions unilatérales dans un environnement non démocratique. L’absence de processus démocratiques et de transparence dans la gouvernance a entravé les réformes économiques efficaces et découragé les investissements étrangers. La concentration du pouvoir et le manque de responsabilité ont conduit à des inefficacités et à la corruption, aggravant encore les défis économiques​​.

Conclusion

Les perspectives économiques de l’Algérie présentent un tableau mitigé. Bien qu’il y ait des aspects positifs tels que des revenus stables des hydrocarbures, des investissements publics et un taux de change stable, le pays fait face à des défis significatifs. Le chômage élevé, l’inflation, la dépendance aux importations alimentaires, le stress hydrique, les défis du système de santé, et la dégradation du système éducatif sont des problèmes critiques à résoudre. De plus, l’absence d’un environnement démocratique entrave une gouvernance efficace et des réformes économiques. Pour atteindre une croissance économique durable, l’Algérie doit diversifier son économie, améliorer la gouvernance et créer un environnement politique plus inclusif et démocratique.

Rien ne changera à moins que des représentants du peuple dûment élus puissent défier la caste militaire au pouvoir concernant les dépenses militaires qui représentent aujourd’hui presque un quart des revenus pétroliers. Ce niveau de dépenses militaires, sans responsabilité ni supervision démocratique, détourne des ressources essentielles des besoins critiques de développement économique et social, perpétuant le cycle de stagnation économique et politique.

Khaled Boulaziz