La scène politique mondiale n’a que rarement été aussi grotesque que lorsque des nations souveraines s’abaissent à se prosterner devant une icône dorée, cherchant les faveurs d’un homme dont les fortunes découlent non pas de la sagesse, mais des caprices d’un populisme effréné. C’est , un homme dont le nom est devenu synonyme de fanfaronnade et d’auto-glorification, projette une ombre longue sur la scène géopolitique. Dans ce tableau d’ignominie, deux nations soi-disant riches, l’Arabie Saoudite et l’Algérie, revêtent les habits de suppliants, marchandant leurs richesses non pour l’amélioration de leurs peuples, mais pour préserver leurs régimes vacillants. C’est une tragi-comédie de grande envergure, un spectacle d’excès baroque où la décadence morale du pouvoir est consacrée par des accords éblouissants et des contrats obscurs.
L’Arabie Saoudite, ce royaume ostentatoire de pétrole et d’opulence, a promis des investissements à faire tourner la tête : une somme allant de 600 milliards à un chiffre astronomique de 1 000 milliards de dollars aux États-Unis. Il faut s’arrêter un instant pour admirer l’échelle de cette offrande, un hommage digne non d’un partenaire mais d’un maître. La maison des Al Saoud, retranchée dans ses palais dorés, semble confondre richesse et sécurité, servitude et diplomatie. Ce n’est pas le bien-être de ses citoyens qui motive cette largesse, mais l’insatiable besoin d’acheter la protection d’un nouveau César américain. Depuis des décennies, le royaume s’appuie sur l’approbation tacite des États-Unis pour maintenir son emprise autocratique. Cet acte récent de féodalité n’est qu’une continuation de cette tradition sordide, une tentative désespérée de s’assurer que la cage dorée reste fermée de l’intérieur.
Et qu’en est-il de l’Algérie, cette terre ancienne imprégnée du sang de la résistance et de la révolution ? Ici aussi, nous voyons le même spectacle ignoble. La signature d’un protocole d’accord avec Africorps et les contrats tout juste signés pour l’exploration en offshore et l’exploitation de gaz de schiste révèlent un régime s’agrippant au pouvoir par tous les moyens nécessaires. L’Algérie, riche en ressources naturelles et en héritage de lutte anticoloniale, a choisi de jouer le rôle de suppliant plutôt que celui de souverain. L’ironie est presque insoutenable : une nation qui, autrefois, était un phare de défiance contre l’impérialisme se prosterne aujourd’hui devant une superpuissance, offrant sa richesse comme un agneau sacrificiel. Les descendants de l’émir Abdelkader, dont la résistance à l’occupation française témoignait de l’esprit indomptable de l’Algérie, pleureraient de voir leur patrie réduite à une telle indignité.
Ces manœuvres ne sont pas les actions de nations confiantes traçant leur destin ; elles sont les stratagèmes désespérés de régimes ayant perdu la confiance de leurs peuples. L’Arabie Saoudite et l’Algérie n’achètent pas un partenariat américain ; elles achètent le silence, l’acquiescement et la promesse de protection. Dans le théâtre baroque de la politique mondiale, c’est la monnaie de survie des régimes autocratiques. Ils troquent des concessions et des contrats, des investissements et des alliances, espérant se protéger de la tempête de dissidence qui gronde à l’intérieur de leurs frontières. La tragédie ne réside pas dans leur richesse, mais dans leur incapacité à l’utiliser pour le bien de leurs peuples. Ce sont des nations où la prospérité est accaparée par une élite tandis que la majorité languit dans la pauvreté et le mécontentement.
Cependant, ce n’est pas simplement une histoire de honte nationale ; c’est un miroir tendu au visage de l’hégémonie américaine. Les États-Unis, sous la direction imprévisible de l’administration Trump, se sont transformés en un bazar d’influence, où les faveurs s’achètent et se vendent comme des bibelots sur un étal de marché. La nature transactionnelle de cette relation révèle le vide au cœur de la politique étrangère américaine, où les idéaux sont sacrifiés sur l’autel de la commodité. L’administration Trump, avec son penchant pour le spectacle et son mépris pour la nuance, a réduit la diplomatie à un marchandage grossier. La question n’est pas de savoir si une nation partage les valeurs américaines, mais si elle peut payer le prix d’entrée.
Le style baroque, avec son penchant pour l’extravagance et l’ambiguïté morale, est la lentille parfaite à travers laquelle observer ce drame sordide. C’est un monde de façades dorées et de profondeurs obscures, où la surface étincelle même si les fondations s’effondrent. Les personnages de ce tableau sont plus grands que nature, leurs actions imprégnées d’une grandeur grotesque. L’Arabie Saoudite et l’Algérie, avec leur richesse et leur désespoir, ressemblent à des personnages d’un opéra baroque, leurs destins entrelacés dans une danse de pouvoir et de soumission. Et au centre de tout cela se tient l’administration Trump, un roi Soleil moderne dont la cour est une cacophonie de courtisans et d’opportunistes.
Mais le baroque est aussi un style de contradiction, de lumière et d’ombre, d’excès et de retenue. Dans cette dichotomie réside l’espoir que ces nations puissent encore trouver une voie hors de leur marasme moral. L’Arabie Saoudite, avec sa vaste richesse pétrolière, pourrait investir dans l’éducation et l’émancipation de son peuple, se transformant en un phare de progrès au Moyen-Orient. L’Algérie, avec son histoire riche et ses ressources abondantes, pourrait réclamer son héritage en tant que leader de la résistance et du renouveau. Pourtant, de telles transformations exigent du courage et une vision, des qualités qui font cruellement défaut chez les actuels gardiens du pouvoir.
En fin de compte, le spectacle de l’Arabie Saoudite et de l’Algérie achetant les faveurs de l’administration Trump est une leçon de prudence sur ce qui se produit lorsque des nations priorisent la survie de leur régime au détriment du bien-être de leur peuple. C’est une histoire de richesses gaspillées et d’opportunités perdues, de cages dorées et de rêves brisés. Mais c’est également un rappel que les excès baroques du pouvoir ne sont pas éternels. Comme les façades ornées d’un palais en ruine, ils céderont un jour aux forces inexorables du changement. Que ce changement apporte renouveau ou ruine reste à voir, mais c’est une question que ces nations doivent résoudre elles-mêmes. Car dans le théâtre de la géopolitique, comme dans la vie, la seule constante est le flot mouvant de l’histoire.
Khaled Boulaziz