Les résultats de la révolution tunisienne doivent être analysés non seulement dans le contexte des luttes internes de la Tunisie, mais aussi dans un cadre régional plus large, notamment lorsqu’on examine l’Algérie. La révolution pour le changement en Tunisie a, à bien des égards, été vaincue, non seulement par des facteurs internes mais aussi en raison de la peur qu’elle a suscitée chez les régimes voisins, notamment en Algérie. La caste militaire en Algérie, qui domine le pays depuis des décennies, considère tout véritable mouvement révolutionnaire comme une menace directe à son pouvoir enraciné. La direction militaire, contrôlant non seulement les sphères politiques et économiques, mais aussi la narration même de l’État, perçoit les mouvements pour la réforme démocratique et la souveraineté populaire comme des forces déstabilisatrices qui pourraient ébranler son contrôle.
En Algérie, l’armée voit la révolution non pas comme une force de changement positif, mais comme un danger déstabilisant. La révolution en Tunisie, malgré ses limites, a constitué un défi important pour l’ordre dirigé par l’armée en Algérie. L’idée que le peuple tunisien puisse renverser un régime autoritaire de plusieurs décennies par des protestations populaires, fondées sur des exigences de dignité, de liberté et de justice, a suscité la crainte des généraux algériens. Le soulèvement tunisien, qui a réuni des milliers de personnes et renversé le régime autoritaire, a rappelé à l’élite militaire algérienne la fragilité de son propre pouvoir. En Algérie, l’armée considère tout mouvement populaire pour le changement comme une menace non seulement pour l’élite politique, mais aussi pour les fondements mêmes de l’État tel qu’il a été construit.
Pour la direction militaire en Algérie, la révolution tunisienne symbolisait la possibilité qu’une vague de changements similaires se propage à travers la région. Les élites militaires en Algérie, qui sont au pouvoir depuis longtemps, perçoivent de tels soulèvements comme des menaces existentielles. La peur ne réside pas seulement dans la perte de pouvoir, mais dans la perte de contrôle sur la narration qu’elles ont soigneusement construite pour maintenir le statu quo. En Algérie, la direction militaire s’est longtemps positionnée comme le gardien de l’unité nationale et de la stabilité, se présentant comme le rempart contre les forces déstabilisatrices, tant internes qu’externes. Voir une révolution réussir en Tunisie — où les exigences populaires de dignité, de liberté et de justice ont trouvé une voix — constituait un défi direct pour cette image soigneusement cultivée de l’armée comme le seul garant de la paix et de l’ordre.
Cette peur du changement en Tunisie — et de l’espoir croissant d’un soulèvement populaire — a incité la caste militaire algérienne à agir. L’armée algérienne, consciente de la possibilité d’une révolution similaire sur son propre territoire, a agi avec détermination pour réprimer tout mouvement de ce type. L’armée en Algérie a longtemps considéré les révolutions non seulement comme une menace à son pouvoir politique, mais aussi comme un danger contagieux susceptible d’inspirer un soulèvement national. La caste militaire algérienne a œuvré sans relâche pour écraser toute forme de révolution, non seulement à l’intérieur de ses frontières, mais aussi dans toute la région. Par la répression, le contrôle politique et la manipulation médiatique, elle a veillé à ce que les mouvements révolutionnaires ne prennent pas d’ampleur, forgeant une narration qui présente l’armée comme la protectrice de la stabilité de l’Algérie. De cette manière, l’armée algérienne a non seulement réprimé les mouvements révolutionnaires, mais elle a activement cherché à empêcher leur propagation au-delà des frontières.
Cette répression de la révolution ne se fait pas seulement par la force brute, mais aussi sur le plan idéologique. L’élite militaire algérienne a cherché à convaincre la population que le statu quo — aussi injuste ou répressif soit-il — est préférable au chaos et à la violence qui pourraient accompagner un soulèvement populaire. Elle promeut l’idée que le rôle de l’armée dans le maintien de l’ordre est sacré et que toute demande de changement pourrait déstabiliser la fragile cohésion sociale. Le contrôle profond exercé sur la vie politique, sociale et économique en Algérie est maintenu par de telles assertions idéologiques. L’armée, en se présentant comme le seul garant de l’unité nationale et de la sécurité, a réussi à faire de toute dissidence populaire une menace existentielle pour l’avenir de la nation.
Parallèlement à cela, la direction militaire algérienne voit la révolution en Tunisie comme un miroir de ses propres vulnérabilités. Le succès d’une révolution en Tunisie — portée par les espoirs et les aspirations des citoyens ordinaires — a été un rappel brutal que, quel que soit le degré d’enracinement d’un régime, aucun n’est invulnérable à la puissance des mouvements populaires. La répression des forces révolutionnaires en Algérie n’est donc pas seulement un moyen de consolider le pouvoir, mais aussi un moyen de protéger un système profondément enraciné qui privilégie la stabilité sur la justice, la continuité sur la transformation.
En conséquence, la révolution pour le changement en Tunisie a été vaincue, non pas par les lacunes des révolutionnaires eux-mêmes, mais par la puissance écrasante des élites militaires régionales, telles que celles de l’Algérie. Les généraux, craignant la propagation de la révolution et de la réforme, ont veillé à ce que toute tentative véritable de changement politique soit étouffée. La révolution en Tunisie, bien qu’elle ait renversé un régime de longue date, doit encore faire face au défi de naviguer dans les forces internationales et régionales qui cherchent à réprimer de tels mouvements. La caste militaire algérienne, en particulier, a efficacement stoppé la propagation de l’enthousiasme révolutionnaire au-delà des frontières de la Tunisie, en utilisant à la fois la répression interne et l’influence externe pour maintenir son emprise sur le pouvoir.
La bataille stratégique et idéologique menée par l’élite militaire en Algérie n’est donc pas simplement une lutte locale pour le contrôle ; c’est une bataille contre la notion même de révolution. Pour les généraux algériens, la révolution est une force qui doit être contenue, non seulement pour leur survie politique, mais pour la survie de l’ensemble du système qu’ils représentent. La révolution pour le changement, tant en Tunisie qu’à travers la région, a rencontré sa plus grande opposition de la part des forces qui cherchent à préserver le statu quo. En Algérie, la direction militaire ne reculera devant rien pour empêcher l’esprit révolutionnaire de prendre racine, le considérant comme une force dangereuse qui menace la structure du pouvoir qu’elle a passé des décennies à construire et à maintenir.
Khaled Boulaziz