Algérie-Syrie : Entre révolution et tragédie, le miroir des despotismes

Ceux qui détiennent le pouvoir peuvent vaciller, s’égarer dans l’ivresse de leurs certitudes, mais ce n’est pas au peuple d’éponger l’ardoise de leurs errances. Cette vérité, d’une simplicité aussi implacable que lumineuse, tonne comme un glas dans les abysses de l’histoire algérienne récente.

Quelle « victoire », quelle « leçon », quelle « exemplarité » ? L’éloge enflé d’une caste militariste s’érige comme un monument de falsification historique, un mausolée bâti sur les cadavres des innocents et les espoirs assassinés. Cette Algérie dont on chante la « victoire contre l’hydre islamiste » est en réalité une terre ravagée par un régime militaire qui, pour préserver son trône, a méthodiquement étranglé toute possibilité de liberté et de souveraineté populaire.

Derrière les fanfares de la « clarté stratégique », c’est une tragédie barbare qui se déploie. En annulant les premières élections libres de l’histoire de l’Algérie indépendante, ce régime a jeté son propre peuple dans les griffes du désespoir et de la violence. Quel est ce « dialogue mortel » que l’armée aurait évité ? Ce fut au contraire un monologue de mitrailles, où chaque dissidence fut écrasée sous le poids des tanks et des prisons secrètes. Les « concessions » dont on parle ? Elles furent faites, non pas au peuple, mais à une caste militariste insatiable, prête à vendre l’âme du pays au plus offrant.

Et que dire de cette « éradication totale » vantée comme un acte héroïque ? Ce fut un massacre méthodique, un génocide larvé mené dans l’obscurité de la nuit et sous les feux des projecteurs de la propagande. Plus de 250 000 Algériens ont été sacrifiés, non pas pour « sauver la nation », mais pour garantir que jamais elle ne puisse échapper aux griffes de ses geôliers en uniforme. Le « peuple algérien », dont les élites militaires se prétendent les gardiens, a été réduit à un spectateur impuissant, ses rêves broyés sous le joug d’une répression aveugle.

Quant à la Syrie, la comparaison est un piège grossier. La Syrie de jadis, ce joyau culturel et intellectuel, n’a pas été détruite par des « islamistes modérés », mais par un jeu cynique des puissances, des alliances perfides, et un régime tout aussi impitoyable que celui qui règne sur l’Algérie. Pointer du doigt un « ennemi commun » pour détourner l’attention des crimes domestiques est un subterfuge éculé, digne des tyrannies en déclin.

Et Israël, éternel bouc émissaire des rhétoriques autoritaires, devient ici l’ultime épouvantail. Ces discours qui lient « reconnaissance d’Israël » et « opportunisme cynique » ne sont qu’un écran de fumée, masquant l’échec abyssal d’un régime incapable de proposer autre chose que la peur et la division comme horizon politique.

L’Algérie n’est pas un phare pour le monde arabe ; elle est un avertissement. L’avertissement qu’un régime militaire, lorsqu’il s’accroche au pouvoir, transforme la lutte pour la souveraineté en une tragédie kafkaïenne où les vainqueurs et les vaincus sont indistinctement broyés. Derriere la prétendue « vigilance implacable » se cache une paranoïa qui, loin de protéger, emprisonne.

Si « le feu qu’ils attisent pourrait bien un jour consumer leurs propres maisons », alors que dire des flammes qui dévorent encore l’Algérie elle-même ? Ce pays, prisonnier de ses contradictions, reste sous le joug d’une élite militaire qui se glorifie d’avoir « sauvé » ce qu’elle a elle-même condamné à périr.

Khaled Boulaziz