Dans le monde arabe, une épidémie silencieuse fait rage, entretenue non par négligence, mais par calcul. Les drogues sont devenues à la fois un fléau et un outil, maniées par des régimes désespérés de s’accrocher au pouvoir. Dans toute la région, la prolifération des stupéfiants a dévasté des générations, vidant les sociétés de leur substance tout en consolidant des règnes autoritaires. Cette exploitation systématique de la toxicomanie reflète la cruauté calculée de régimes qui cherchent à incapaciter leur jeunesse plutôt qu’à l’émanciper, garantissant que la dissidence reste une éventualité lointaine.
Au Maroc, la culture du haschich prospère ouvertement. La région du Rif, connue comme un centre mondial de production de cannabis, opère avec l’approbation tacite des autorités. Cette industrie lucrative profite non seulement aux agriculteurs locaux, mais aussi aux grands acteurs qui tirent des bénéfices de son exportation et de son trafic. Une indifférence officielle, voire une supervision délibérée, a permis au haschich de devenir un pilier de l’économie marocaine, perpétuant un cycle de dépendance et de corruption.
Plus à l’est, l’Algérie est confrontée à un afflux de cocaïne. Les rapports de trafics à grande échelle révèlent l’ampleur du problème, les trafiquants utilisant l’Algérie comme point de transit pour les marchés mondiaux. Ce commerce prospère sous les yeux des autorités, qui ferment les yeux ou y participent activement. Dans un pays aux prises avec un fort taux de chômage chez les jeunes et un mécontentement général, la prévalence des drogues sert à distraire et neutraliser les menaces potentielles à la stabilité du régime.
La Tunisie, la Libye et l’Égypte forment un sinistre triptyque de consommation de drogues à grande échelle. En Tunisie, les difficultés économiques et l’instabilité politique ont poussé de nombreux jeunes vers la toxicomanie. La Libye, fracturée par des années de guerre civile, est devenue un point chaud du trafic, les drogues y entrant au même titre que les armes et les mercenaires. L’Égypte, le pays le plus peuplé de la région, fait face à une crise alarmante alors que des stupéfiants bon marché inondent ses rues, sapant la résilience de sa jeunesse.
La descente de la Syrie dans le chaos a apporté avec elle un chapitre unique dans ce sombre récit : le Captagon. Cet amphétamine puissante est devenue la drogue de prédilection des combattants et des civils, alimentant l’économie de guerre et dévastant d’innombrables vies. D’abord un outil pour engourdir les horreurs de la guerre, le Captagon est devenu un symbole de la volonté du régime d’exploiter la souffrance de son peuple pour rester au pouvoir. Le commerce de la drogue a prospéré sous la supervision gouvernementale, devenant une bouée de sauvetage pour le régime d’Assad en difficulté, même s’il détruisait le tissu de la société syrienne.
Le fil conducteur entre ces nations est l’instrumentalisation des drogues par les régimes autoritaires. La logique est insidieuse mais efficace : une population addictée et apathique est plus facile à contrôler. En favorisant la toxicomanie, les régimes privent leur jeunesse d’autonomie et d’espoir, les rendant incapables d’organiser une résistance significative. Cette stratégie ne se limite pas à l’implication directe dans la production ou le trafic de drogues ; elle se manifeste également dans une négligence systémique, où les autorités ne combattent pas le commerce des stupéfiants tout en réprimant sans pitié toute forme de dissidence.
Pourtant, l’histoire montre que même les systèmes les plus oppressifs ne sont pas invincibles. L’histoire de la Syrie offre une lueur d’espoir. Malgré la dépendance du régime d’Assad à la brutalité et à l’exploitation, la résilience du peuple syrien perdure. Les manifestations qui ont éclaté en 2011, réclamant dignité et liberté, ont planté des graines de résistance que ni la toxicomanie ni la répression ne peuvent éteindre. Bien que le chemin reste semé d’embûches, les Syriens ont démontré que l’esprit humain, lorsqu’il est galvanisé, peut se dresser contre même les tyrannies les plus enracinées.
Le monde arabe dans son ensemble fait face à un carrefour similaire. La dépendance des régimes à l’égard des drogues comme outil de contrôle est en fin de compte intenable. La jeunesse, que ces régimes cherchent à incapaciter, représente le plus grand potentiel de changement dans la région. Dans tout le monde arabe, des mouvements populaires émergent, alimentés par la frustration face à la corruption, aux inégalités et à la répression. Du Maroc à l’Égypte, les jeunes s’organisent, s’éduquent et reprennent leur avenir en main.
En Syrie, le cours de l’histoire a montré qu’aucune oppression ne peut étouffer durablement la volonté du peuple. Bien que le chemin soit long, cette vérité s’applique à l’ensemble du monde arabe. Les régimes autoritaires peuvent temporairement étouffer la dissidence par la toxicomanie et l’apathie, mais ils ne peuvent éteindre le désir collectif de liberté et de justice. L’esprit humain, confronté à l’oppression, a une capacité remarquable à persévérer et finalement à triompher.
La chute des régimes soutenus par l’armée dans la région n’est pas une question de si, mais de quand. Leur dépendance aux drogues comme arme de contrôle souligne leur banqueroute morale et la fragilité de leur règne. À mesure que la conscience grandit et que les mouvements se solidifient, les peuples du monde arabe trouveront des moyens de résister et de reprendre leurs sociétés en main. Cette même jeunesse ciblée par ces régimes se lèvera comme l’avant-garde du changement, prouvant qu’aucune dictature, si enracinée soit-elle, ne peut résister au pouvoir d’une population unie et déterminée.
Le monde arabe est à l’aube d’une transformation. Le règne par la drogue, un chapitre tragique de son histoire, cédera un jour la place à un récit de résilience et de renouveau. Tout comme les Syriens ont montré que la résistance peut renverser même les systèmes les plus oppressifs, le reste de la région s’élèvera à son tour, reprenant son avenir de ceux qui cherchaient à le détruire. Les peuples triompheront.
Khaled Boulaziz