La véritable histoire de l’Algérie ne peut être écrite que par les Algériens eux-mêmes. Un pan important des événements qui ont jalonné cette terre reste à découvrir. Le débarquement Anglo-américain, suite à l’opération Torch, le 8 novembre 1942 à Alger, en est un exemple. Cela s’est passé il y a 80 ans. À la fin de l’année 1942, pour soulager le front russe, le président américain Roosevelt décida de mener une opération de grande envergure en Afrique du Nord.
À la même période, l’Allemagne contrôlait le Maroc, l’Algérie et la Tunisie par l’intermédiaire des Français de Vichy. Ces derniers, confrontés à une défaite certaine en 1940, avaient choisi de collaborer avec leurs envahisseurs allemands plutôt que de leur résister. L’Allemagne avait déployé des divisions d’élite pour défendre sa prise méditerranéenne, engageant ainsi d’énormes ressources dans la région.
Le 8 novembre 1942, 124 000 soldats britanniques et américains débarquèrent à Casablanca au Maroc, à Oran et à Alger en Algérie. Nom de code : Opération Torch. L’objectif des Alliés était de créer un deuxième front. Les armées alliées ignoraient comment réagiraient les troupes françaises de Vichy, qui obéissaient au commandement allemand.
Avant le débarquement, des diplomates et des officiers du renseignement américain, dont le plus célèbre était Robert Murphy (1), avaient déjà pris contact avec les figures de proue du Mouvement national algérien ainsi qu’avec les commandants de Vichy à Alger pour préparer l’invasion.
Les relations entre les Alliés et les Français étaient un mélange d’amitié historique et d’animosité récente. Sans surprise, la réaction de Vichy à l’invasion américaine fut mitigée. Certaines unités déposèrent les armes, tandis que d’autres attaquèrent les forces alliées alors qu’elles tentaient de débarquer.
Il est évident que la doxa historique française réfute toute aide apportée par les figures du mouvement national et le peuple algérien à la réussite de cette opération.
Parmi les faits occultés figure la série d’entretiens entre Robert Murphy, représentant du président Roosevelt, et Ferhat Abbas avant et pendant le débarquement. Ces échanges ont été ignorés par la majorité des historiens étrangers.
Après de terribles confrontations, les combats ne prirent fin qu’en promettant à l’amiral de Vichy, Jean Darlan, qu’il resterait au pouvoir, gouvernant ainsi l’Afrique du Nord sans intégrer les éléments d’une résistance française locale et disparate.
L’opération Torch permit à Roosevelt d’ouvrir un deuxième front, soulageant ainsi les Russes. Les pertes furent d’environ 500 soldats alliés tués et 700 blessés.
Roosevelt conclut également un accord avec Vichy plutôt qu’avec la résistance française hétéroclite, qui espérait une reconnaissance rapide de la part des Alliés.
En décembre 1942, Darlan fut assassiné, permettant aux États-Unis d’installer le bien plus respectable Henri Giraud. En février 1943, Robert Murphy reçut de Ferhat Abbas une déclaration de 21 pages intitulée « L’Algérie devant le conflit mondial : Manifeste du peuple algérien ».
Ce document représente une synthèse socio-historique et un appel sans ambiguïté aux armes pour libérer la nation du joug colonial.
Les événements s’accélérèrent avec les massacres du 8 mai 1945. Ce fut le point de non-retour pour la lutte armée visant à sortir de la nuit coloniale.
En conclusion, face à la cécité de ceux qui se sont autoproclamés dépositaires de notre mémoire, il est important de rappeler que les Algériens ne furent pas de simples spectateurs sur leur propre territoire occupé depuis 1830. Leur contribution à la réussite de cette opération fut cruciale.
Cette histoire reste à écrire, compte tenu de l’occultation par la doxa historique française. Mais elle le sera par les Algériens eux-mêmes, car ce sont eux les véritables maîtres de leur destin sur leur propre terre.
Khaled Boulaziz