Les maîtres d’Alger : Chronique d’une caste en déroute

Le plus grand crime d’un régime est de voler le rêve d’une nation et de sa jeunesse, laissant derrière lui des générations condamnées à chercher ailleurs l’espoir qu’on leur a refusé chez eux.

Les maîtres d’Alger s’enfoncent dans une tragédie burlesque, une farce grotesque où le vieux monarque, 79 ans d’arrogance fanée, s’imagine encore être le phare de la nation, la main qui façonnera demain l’économie triomphante, l’empereur visionnaire qui régnera sur l’Afrique subsaharienne en ressuscitant la traite, asservissant les masses pour faire fructifier ses champs de désillusion, espérant ainsi un mirage de sécurité alimentaire, ce rêve depuis toujours hors de portée des gouvernements successifs. Et voilà qu’il rêve encore, cet auguste chef, de conquérir le Maroc, de réduire la Tunisie en vassale docile – il envoie deux tonnes de sucre comme si l’Histoire se monnayait en sucreries.

Bouffon égaré d’une caste militariste dans le jeu diplomatique, il s’aplatit sans honte devant la Russie, la Chine, l’Inde, mendiant son entrée dans les BRICS, pour n’être finalement qu’un misérable figurant, supplanté par l’Érythrée ! Quel camouflet ! Pourtant, en lot de consolation, un siège dans leur banque – à condition, bien sûr, de déverser 1,5 milliards de dollars, prix d’entrée dans cette mascarade.

Et tandis que la planche à billets tourne à plein régime, la confusion règne entre le change légal et informel, une comédie à ciel ouvert que tous voient et subissent. 1 200 médecins algériens, eux, fuient, préférant prêter serment ailleurs, en France. Pendant ce temps, des logements se construisent, mais l’électricité ? Le gaz ? Des détails dans ce royaume paradoxal, l’un des plus grands producteurs d’énergie, où pourtant l’eau est encore coupée, décennie après décennie, dans un cycle infernal.

Sur les 1200 kilomètres de côtes algériennes, des hommes, des femmes, des adolescents, privés d’avenir et sans qualification, n’entrevoient d’espoir qu’au-delà de la Méditerranée, cette mer devenue un vaste tombeau, où l’illusion d’un ailleurs radieux les pousse par milliers à embarquer sur les bateaux de la mort, vers un exil misérable. Dans les métropoles étrangères, ils errent, réfugiés sous des tentes déchirées, squattant des abris précaires, passant d’une association à l’autre pour mendier de quoi subsister. L’Algérie, dans sa honte, voit ses enfants implorer l’asile, tout en envoyant des selfies mensongers à leurs proches, nourrissant un cycle infernal de désespoir et de départs.

Pendant ce temps, l’agence de presse gouvernementale s’agite, publie des diatribes contre les commentaires français sur les élections, comme si la France restait l’ultime échappatoire du monarque, son joker pour détourner l’attention de ses ignominies. On l’appelle le « Maximo », clin d’œil tragique à Fidel Castro, mais qui oserait souhaiter à l’Algérie de sombrer dans le même chaos que Cuba ?

Quel gâchis, pourtant ! Ce pays aux terres si riches, aux paysages sublimes, à cette jeunesse vibrante, pleine d’intelligence, qui aspire à vivre, non pas ailleurs, mais ici, dans cette Algérie qu’elle aime, qu’elle pourrait rendre prospère, si seulement les maîtres d’Alger lui laissaient cette chance.

Khaled Boulaziz