J’ai compris que l’indépendance n’était pas un cadeau, mais une conquête.
Ferhat Abbas, Homme politique algérien
Au cœur des montagnes d’Algérie, à l’abri des regards et dans le secret le plus absolu, se tenait un événement qui allait changer le cours de l’histoire : le Congrès de la Soummam. Du 13 au 20 août 1956, ce village reculé d’Ifri, niché dans l’actuelle commune d’Ouzellaguen, devint le berceau d’une nouvelle ère pour la Révolution algérienne. Organisé par le Front de Libération Nationale (FLN) en pleine guerre d’indépendance, ce congrès clandestin rassembla les esprits les plus résolus de la lutte contre l’occupant français.
Sous la présidence de Larbi Ben M’hidi, et avec Abane Ramdane en tant que secrétaire, les principaux chefs de la Révolution se réunirent pour donner à leur combat une structure plus cohérente et efficace. Parmi eux, des noms gravés dans l’histoire : Youcef Zighoud, Krim Belkacem, Amar Ouamrane, et tant d’autres. Absent, Mostefa Ben Boulaïd, héros de la première heure, tombé au champ d’honneur cinq mois auparavant, tandis que la délégation extérieure menée par Ahmed Ben Bella ne put rejoindre les siens.
Le Congrès de la Soummam ne fut pas qu’une simple réunion : ce fut l’acte fondateur qui structura la Révolution algérienne. Il dota la lutte d’organes essentiels tels que le Conseil National de la Révolution Algérienne (CNRA) et le Comité de Coordination et d’Exécution (CCE), véritables piliers de l’organisation révolutionnaire. Cet événement marqua la naissance d’un État en devenir, une lueur d’indépendance dans la nuit sombre de la colonisation.
L’idée de ce rassemblement avait d’abord été envisagée dans la symbolique Kalâa des Aït Abbès, bastion de résistance lors de l’insurrection de 1871. Mais le destin en décida autrement. Le 2 août 1956, un groupe de maquisards, en route vers la Kalâa, fut pris dans une embuscade, forçant les chefs à improviser un nouveau lieu de rencontre. Ifri, avec ses montagnes impénétrables et ses forêts denses, devint alors l’épicentre de la Révolution.
Les chefs révolutionnaires, arrivant par des chemins escarpés et sous une menace constante, atteignirent finalement Ifri, prêts à tracer les lignes de l’avenir. Le congrès s’ouvrit le 13 août, et pendant une semaine entière, les débats furent intenses. Les délégués, malgré l’absence de la zone I et de la délégation extérieure, s’attelèrent à dresser le bilan de 22 mois de lutte et à poser les fondations d’une organisation militaire et politique qui tiendrait tête à l’une des plus grandes puissances coloniales de l’époque.
Des décisions cruciales furent prises. L’Algérie fut découpée en six « wilayas », chaque territoire soigneusement délimité pour une meilleure coordination des actions militaires et politiques. Les grades furent redéfinis, les unités de combat restructurées, et une importance capitale fut accordée aux missions de renseignements et de liaisons, clés de la réussite des opérations militaires.
Le Congrès de la Soummam fut bien plus qu’un simple regroupement de chefs révolutionnaires. Il fut l’acte fondateur d’une Algérie libre, jetant les bases d’un État en devenir. Ce fut, comme le dira plus tard Ali Lounici, officier de l’ALN, « le moment où nous avons senti que nous avions déjà un État ».
Ainsi, de la clandestinité des montagnes naquit la vision d’un pays libéré, d’un peuple prêt à se lever pour sa liberté, organisé et déterminé à conquérir son indépendance. Le Congrès de la Soummam restera à jamais gravé dans les mémoires comme le tournant décisif de la Révolution algérienne.
Le 1er Novembre et le 20 Août resteront pour toujours les repères d’une nation dont l’indépendance fut confisquée. Ces dates, gravées dans la mémoire collective, symbolisent la détermination d’un peuple à se libérer du joug colonial, et rappellent le sacrifice et l’héroïsme de ceux qui ont lutté pour une Algérie libre.
Khaled Boulaziz