Le Bangladesh en effervescence : Étudiants et élites en quête de la justice sociale (*)

La véritable liberté ne réside pas dans l’absence de contraintes, mais dans la capacité des individus et des groupes à contester et à transformer les structures de pouvoir qui cherchent à les dominer.

Michel Foucault, Philosophe Français

Dans les sociétés modernes, les universités, les étudiants et les élites sont devenus des acteurs essentiels dans la quête de changement social. Cette dynamique est particulièrement prononcée au Bangladesh, où la lutte pour la liberté et l’égalité se poursuit depuis l’indépendance de la nation en 1971. Cet essai explore les défis auxquels sont confrontés les étudiants bengalis dans leur quête de justice sociale, soulignant leur rôle de catalyseurs de changement dans le paysage socio-politique plus large du Bangladesh.

Contexte historique et rôle des étudiants

Depuis son indépendance, le Bangladesh a été confronté à de nombreuses questions socio-économiques et politiques, notamment la pauvreté, la corruption et un manque d’accès équitable aux ressources. Dans ce contexte, les étudiants ont souvent été à l’avant-garde des mouvements plaidant pour la justice sociale et la réforme. Les récentes manifestations contre le système de quotas pour les emplois gouvernementaux rappellent crûment le rôle crucial que jouent les étudiants dans la contestation des inégalités systémiques.

Le système de quotas, qui réservait un pourcentage significatif des emplois gouvernementaux aux familles des vétérans de la guerre d’indépendance de 1971, visait initialement à honorer ceux qui se sont sacrifiés pour la liberté de la nation. Cependant, avec le temps, cette politique a été critiquée pour perpétuer l’inégalité et limiter les opportunités pour la population plus large. La demande des étudiants de mettre fin à ce système de quotas reflète leur désir d’une société plus méritocratique et juste.

Escalade des protestations et réponse du gouvernement

Les manifestations menées par les étudiants ont commencé en juillet et se sont rapidement transformées en un mouvement anti-gouvernemental plus large. Les manifestations, initialement axées sur la réforme du système de quotas, se sont élargies pour englober des griefs plus larges contre le gouvernement de la Première ministre Sheikha Hasina. Les manifestants ont demandé la démission de Hassina, accusant son administration d’utiliser une force excessive et de réprimer la dissidence.

La situation est devenue de plus en plus volatile, la police utilisant des gaz lacrymogènes et des grenades assourdissantes pour disperser les manifestants. Des rapports de confrontations entre manifestants et partisans du parti au pouvoir, la Ligue Awami, ainsi que des incidents de violence et de vandalisme, ont souligné l’atmosphère tendue. L’imposition d’un couvre-feu et d’une coupure des communications par le gouvernement a encore attisé les troubles, indiquant jusqu’où les autorités étaient prêtes à aller pour maintenir le contrôle.

Les implications plus larges du mouvement

Les manifestations signifient plus qu’un simple défi au système de quotas ; elles représentent un désir plus profond de responsabilité, de transparence et de gouvernance démocratique. L’insistance des étudiants sur les tactiques de non-coopération, telles que l’incitation des citoyens à ne pas payer les taxes ou les factures de services publics, souligne leur engagement envers la désobéissance civile comme moyen de provoquer le changement.

Les universités, en tant que centres d’apprentissage et de pensée critique, ont historiquement été des incubateurs pour les mouvements sociaux. Au Bangladesh, l’activisme étudiant a souvent joué un rôle crucial dans les transformations politiques. Le mouvement actuel ne fait pas exception, soulignant la lutte persistante pour la justice sociale et le rôle des jeunes instruits dans la promotion d’un changement systémique.

Le rôle des élites et des intellectuels

Aux côtés des étudiants, les élites et les intellectuels au Bangladesh ont également joué un rôle significatif dans la formation du discours autour de la justice sociale. Ces groupes ont souvent fourni le cadre idéologique et les orientations stratégiques pour les mouvements, utilisant leur influence pour obtenir un soutien plus large. Dans le contexte actuel, de nombreux intellectuels et membres de la classe élite ont exprimé leur solidarité avec les manifestants, critiquant l’approche répressive du gouvernement et appelant à des réformes significatives.

Conclusion

Les manifestations en cours au Bangladesh soulignent le rôle vital des universités, des étudiants et des élites dans la quête de justice sociale et d’égalité. Ces acteurs ont constamment été à l’avant-garde des mouvements contestant les inégalités systémiques et plaidant pour une gouvernance démocratique. La lutte des étudiants bengalis depuis l’indépendance reflète une quête plus large d’une société juste, où la méritocratie prévaut et où le gouvernement est tenu responsable. Alors que le Bangladesh navigue à travers cette période tumultueuse, la résilience et la détermination de ses étudiants et intellectuels continueront de façonner la trajectoire de la nation vers la justice sociale et l’égalité.

À l’instar du Bangladesh, le monde musulman ne saurait voir un changement véritable pour la quête de la justice sociale sans l’engagement et le sacrifice de ses étudiants. Ces derniers sont le moteur de tout progrès, montrant ainsi que les jeunes éduqués sont les guides pour le progrès démocratique et social.

Il nous faut lutter pour arracher chaque parcelle de liberté par un effort acharné, sacrifiant tout ce qui nous était cher, tout ce qui réchauffait nos cœurs et nourrissait notre confiance en la vie. Vous devez faire preuve d’une grandeur d’âme exceptionnelle pour servir la quête de la justice sociale. Qu’est-ce que cela signifie, être loyal dans la révolution ? C’est être impitoyable envers soi-même, mépriser les nobles sentiments, et traiter chaque question comme un cas de conscience.

Khaled Boulaziz

(*) À l’instant où nous écrivons, Sheikha Hassina, Premier ministre du Bengladesh, a quitté le pays. L’armée, désormais au pouvoir, a pris les rênes. Elle a appelé, en ce moment crucial, à un dialogue national.