Algérie : Aux confins de la méprise, la parole du peuple confisquée

L’exercice du pouvoir est lié au droit à la parole.

Michel Foucault, Philosophe Français – (1926-1984)

Introduction

Le contrôle des structures civiles telles que l’économie et les universités par l’armée en Algérie, combiné à de sévères restrictions sur le droit de s’exprimer, entraineront des conséquences sociopolitiques, économiques et psychologiques significatives. Ce contrôle autoritaire perpétuant la domination de l’armée entravera d’une façon drastique le potentiel de développement et de démocratie du pays. Conséquemment, l’Algérie se retrouve une fois de plus en dehors de l’histoire. Sa révolution d’indépendance lui avait assuré une place dans le concert des nations, mais la caste militariste actuelle l’en a expulsé insidieusement.

Contexte historique

Le paysage politique moderne de l’Algérie a été profondément marqué par sa lutte pour l’indépendance contre la domination coloniale française, obtenue en 1962 après une guerre brutale. Le Front de Libération Nationale (FLN), qui a dirigé le mouvement d’indépendance, s’est rapidement établi en tant que parti au pouvoir. L’armée, composante cruciale du FLN, a émergé comme une force dominante dans la politique algérienne. Au fil des décennies, l’armée a ancré son contrôle sur les structures civiles, affirmant une influence significative sur les sphères politiques, économique et éducative.

Des événements clés, tels que le coup d’État de 1992 qui a interrompu le processus électoral pour empêcher le Front Islamique du Salut (FIS) d’accéder au pouvoir, ont solidifié le contrôle militaire. Cet événement a marqué le début d’une guerre civile qui a duré tout au long des années 1990, période durant laquelle l’armée a encore consolidé son autorité. Des politiques et des changements constitutionnels subséquents ont renforcé le rôle de l’armée dans la gestion des affaires civiles, souvent au détriment des principes et des libertés démocratiques.

Conséquences sociopolitiques

La domination de l’armée a profondément érodé les institutions et les principes démocratiques en Algérie. Les élections, lorsqu’elles ont lieu, sont manipulées pour garantir des résultats favorables à l’élite militaire, sapant ainsi la légitimité du processus démocratique. L’opposition politique est fréquemment réprimée par des moyens légaux et extralégaux, y compris l’intimidation, l’emprisonnement et même l’assassinat de voix dissidentes.

La censure et la propagande sont des outils utilisés par l’armée pour maintenir le contrôle sur le discours public. Les médias d’État propagent le récit officiel, tandis que les journalistes indépendants et les médias font face à des harcèlements et à la censure. Cette répression de la liberté d’expression crée un climat de peur et de méfiance, où les citoyens hésitent à exprimer des opinions dissidentes ou à remettre en question le statu quo.

Conséquences économiques

Le contrôle militaire de l’économie étouffe l’innovation et la croissance. Les secteurs économiques clés, y compris le pétrole et le gaz, sont dominés par des entités affiliées à l’armée, conduisant à des inefficacités et à la corruption. Le manque de transparence et de responsabilité dans ces secteurs entraîne une mauvaise allocation des ressources et un développement économique entravé.

La corruption est omniprésente, les opportunités économiques étant souvent réservées à ceux ayant des connexions avec l’élite militaire. Cela perpétue l’inégalité économique et limite la mobilité sociale. La concentration de la richesse et du pouvoir entre les mains de quelques-uns exacerbe les tensions sociales et sape la confiance dans le système économique.

Impact sur les universités et l’éducation

L’influence militaire s’étend aux universités et institutions éducatives en Algérie, où la liberté académique est sévèrement restreinte. Le programme est contrôlé pour s’aligner sur le récit officiel, et les sujets jugés politiquement sensibles sont évités. Les universitaires et les étudiants qui contestent le régime font face à la censure, au harcèlement et parfois à l’emprisonnement.

Cette répression contribue à une fuite des cerveaux significative, les intellectuels et les professionnels qualifiés recherchant des opportunités dans des environnements plus ouverts et favorables à l’étranger. La perte de capital intellectuel entrave le développement du pays et le prive de la pensée innovante nécessaire pour relever ses défis.

Conséquences psychologiques et sociales

L’atmosphère omniprésente de peur et d’autocensure a des impacts psychologiques profonds sur la population algérienne. La menace constante de la surveillance et de la répression conduit à des problèmes de santé mentale généralisés, notamment l’anxiété, la dépression et d’autres troubles mentaux. Les individus sont souvent contraints de naviguer dans un paysage où s’exprimer peut entraîner de graves conséquences, créant une culture de silence et de conformité.

Socialement, la répression de la liberté d’expression érode la confiance communautaire et la cohésion sociale. Les gens deviennent isolés, méfiants à discuter de sujets sensibles même dans leurs cercles sociaux. Cette érosion de la confiance sociale rend l’action collective et la résistance plus difficiles, consolidant davantage le contrôle de l’armée.

Conséquences sur la position historique et internationale de l’Algérie

L’Algérie, grâce à sa révolution d’indépendance, avait assuré une place respectée dans le concert des nations. Ce mouvement héroïque avait symbolisé la lutte contre le colonialisme et l’oppression, faisant de l’Algérie un phare d’inspiration pour les mouvements de libération à travers le monde. Cependant, la domination actuelle de la caste militariste érode cette position. En réprimant les voix dissidentes et en consolidant un contrôle autoritaire, l’armée expulse progressivement l’Algérie de l’histoire contemporaine des nations démocratiques et progressistes. Au lieu d’être un leader dans la promotion des droits de l’homme et de la liberté, l’Algérie devient un exemple de ce qui se passe lorsque le pouvoir militaire supplante la volonté du peuple.

Stratégies de résistance et de restauration

Malgré les défis, des stratégies de résistance et de restauration sont possibles. Le soutien et la pression internationaux peuvent jouer un rôle crucial en soutenant les mouvements de résistance locaux et en tenant le régime responsable. Les sanctions, les efforts diplomatiques et le soutien aux dissidents exilés peuvent exercer une pression sur l’armée algérienne pour qu’elle respecte les droits humains et les normes démocratiques.

Les mouvements de résistance souterrains et numériques offrent des voies pour contourner la censure et organiser la dissidence. Les plateformes de médias sociaux et les outils de communication cryptée peuvent aider les militants à coordonner et à partager des informations, même dans des conditions répressives.

Les stratégies à long terme pour reconstruire la liberté d’expression et les normes démocratiques incluent la promotion d’une culture de pensée critique et de dialogue ouvert. Les réformes éducatives qui mettent l’accent sur l’enquête critique et l’engagement civique peuvent aider à développer une population capable de contester l’autoritarisme. Soutenir les médias indépendants et les organisations de la société civile est également crucial pour créer un public résilient et informé.

Conclusion

Le contrôle des structures civiles et la suppression de la liberté d’expression en Algérie par l’armée auront des conséquences sociopolitiques, économiques et psychologiques incalculables. L’érosion des institutions démocratiques, l’étouffement de la croissance économique et l’atmosphère omniprésente de peur et d’autocensure entravent le développement du pays et perpétuent le régime autoritaire. Protéger le droit de s’exprimer n’est pas seulement essentiel pour la liberté individuelle, mais aussi pour le progrès collectif et la stabilité de l’Algérie. En conséquence, l’Algérie doit surmonter cette domination militariste pour retrouver sa place légitime dans l’histoire et parmi les nations progressistes du monde.

Khaled Boulaziz