Algérie : L’exploitation des terres rares, un levier pour se maintenir au pouvoir

Une course mondiale est en cours parmi les nations puissantes pour sécuriser l’accès aux minéraux critiques essentiels aux transitions énergétique et numérique. La hausse de la demande pour ces minéraux fait monter les prix et stimule de nouvelles découvertes à travers le monde. Cependant, dans des pays comme l’Algérie, cette nouvelle opportunité comporte des risques importants. Sans changements dans la gouvernance, la ruée vers les minéraux critiques pourrait conduire à une ‘nouvelle malédiction des minéraux critiques’.

La demande mondiale de minéraux critiques :

Les transitions énergétique et numérique dépendent fortement des technologies nécessitant des minéraux critiques. La transition énergétique propre, en particulier, demande une utilisation intensive de minéraux tels que le cuivre, le lithium, le nickel, le silicium, le cobalt, les éléments de terres rares et l’uranium. Au fur et à mesure que la transition énergétique propre progresse, la demande pour ces minéraux devrait augmenter rapidement.

L’Agence Internationale de l’Énergie (2021) prévoit que la demande de minéraux pour les technologies d’énergie propre augmentera au moins de quatre fois d’ici 2040 pour atteindre les objectifs climatiques. Des minéraux comme le graphite, le nickel, le lithium et les éléments de terres rares connaîtront une croissance explosive de la demande. Cependant, cette montée en flèche de la demande met la pression sur les prix.

Opportunités et risques pour l’Algérie :

Pour les pays en développement comme l’Algérie, l’exploitation des minéraux critiques offre à la fois des opportunités et des risques. L’Algérie, avec ses réserves importantes d’éléments de terres rares, pourrait devenir un acteur clé sur le marché mondial. Cependant, le contrôle de la caste militaire sur le secteur minier pose des défis significatifs.

Contexte géopolitique mondial :

La production de minéraux critiques est concentrée dans les principaux blocs économiques tels que la Chine, les États-Unis et l’UE. Ces blocs consomment la majeure partie de ce qu’ils produisent, ce qui les rend dépendants des exportateurs de minéraux critiques bruts. Des pays comme l’Australie, la Russie, le Kazakhstan, la République Démocratique du Congo, le Mozambique, le Chili, l’Afrique du Sud et le Zimbabwe sont des exportateurs importants, courtisés par les superpuissances pour sécuriser leurs approvisionnements.

La Chine domine le traitement du cuivre, du nickel, du cobalt, des terres rares et du lithium. En revanche, d’autres pays comme le Chili, le Pérou, l’Indonésie et la République Démocratique du Congo dominent la production de minéraux spécifiques.

Conséquences environnementales et sociales :

L’intensification des activités minières pour les minéraux critiques peut avoir de graves conséquences environnementales, sanitaires et sociales. L’exploitation minière peut causer des dommages environnementaux irréversibles et des émissions significatives de gaz à effet de serre, compromettant les objectifs climatiques. L’utilisation intensive de l’eau dans l’exploitation minière peut entraîner une contamination, surtout là où les normes sont faibles. Dans les pays aux normes de travail faibles, l’exploitation minière peut conduire à des conditions de travail difficiles et au travail des enfants, comme on le voit en République Démocratique du Congo.

Implications en matière de gouvernance et de géopolitique :

Le contrôle militaire sur le secteur minier algérien pourrait exacerber les problèmes de gouvernance et ralentir ou inverser les progrès démocratiques. Les nouvelles « rentes géopolitiques » pour les dirigeants alignés avec les superpuissances peuvent entraver la gouvernance économique et nuire aux citoyens.

La malédiction des ressources :

Le terme « malédiction des ressources » décrit le paradoxe selon lequel les pays riches en ressources naturelles ont souvent de moins bons résultats économiques que les pays pauvres en ressources. Le bilan de l’Algérie en matière de gestion de ses ressources naturelles a été médiocre, ce qui risque de se reproduire avec les minéraux critiques. Une gouvernance efficace est cruciale pour éviter les pièges de la surexploitation, de la dégradation environnementale et du déplacement social.

Initiatives internationales et gouvernance :

Les initiatives internationales existantes, comme l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE), se concentrent sur la transparence. Cependant, la nature volontaire des normes environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) rend leur application difficile. Les consommateurs des économies avancées modifient leur comportement en faveur de préoccupations environnementales, mais le comportement des investisseurs dans les pays en développement peut tarder à changer.

Un nouveau modèle de gouvernance internationale :

Pour éviter une nouvelle malédiction des minéraux critiques, un nouveau modèle de gouvernance internationale est nécessaire. Ce modèle doit aborder les interdépendances liées à la paix et à la stabilité, à la santé mondiale, et aux enjeux environnementaux et climatiques. Des transferts de technologie efficaces des économies avancées vers les économies en développement sont essentiels pour lutter contre le changement climatique et atteindre les objectifs climatiques. De plus, l’accès aux marchés internationaux de capitaux doit être promu par des moyens transparents tels que les obligations vertes. La gouvernance nationale dans les pays en développement doit garantir que les investissements directs étrangers profitent aux communautés locales, protègent l’environnement et créent des emplois.

En conclusion, l’implication de l’Algérie dans le marché des minéraux critiques présente à la fois des opportunités et des risques importants. Le contrôle militaire sur le secteur minier doit être abordé pour s’assurer que l’exploitation de ces ressources profite au pays et à ses citoyens tout en atténuant les conséquences environnementales et sociales. Rien de bon ne sortira de cette situation si des personnes dûment élues ne contrôlent pas l’ensemble du processus pour s’assurer qu’il profitera au peuple et non à la caste militaire. Pour cela, le pouvoir civil doit être renforcé par rapport au pouvoir militaire.

Khaled Boulaziz