Analyse du mythe de l’autosuffisance des céréales en Algérie

Introduction

Dans un climat électoral où les promesses et les déclarations fracassantes sont monnaie courante, il est crucial de démêler la réalité des affirmations propagandistes. Récemment, le ministre de l’Agriculture et du Développement rural, a annoncé que l’Algérie atteindrait l’autosuffisance en blé dur d’ici à 2027. Cependant, une analyse détaillée du dernier rapport de la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture) sur la situation des céréales en Algérie révèle une réalité bien différente. Cet article se propose de démontrer, chiffres à l’appui, l’écart entre les promesses électorales et la situation actuelle du secteur céréalier en Algérie.

Contexte agricole en Algérie

Dépendance aux importations

L’Algérie a une longue histoire de dépendance aux importations pour satisfaire ses besoins en céréales. Selon le rapport de la FAO, l’Algérie importe environ 70 % de son blé dur et tendre. Cette dépendance est due à plusieurs facteurs structurels, notamment les conditions climatiques défavorables, la faible mécanisation agricole et la gestion inefficace des ressources en eau. La production locale de céréales, bien qu’importante, ne suffit pas à couvrir la demande nationale, qui est en constante augmentation en raison de la croissance démographique.

Conditions climatiques

Les conditions climatiques en Algérie sont loin d’être idéales pour la culture des céréales. Le rapport de la FAO souligne que les sécheresses fréquentes et les variations climatiques extrêmes affectent gravement les rendements agricoles. La pluviométrie irrégulière et insuffisante est un défi majeur, rendant les cultures dépendantes de l’irrigation, une ressource qui est déjà rare et mal gérée.

Analyse des déclarations ministérielles

Objectifs ambitieux, mais peu réalistes

L’annonce de l’autosuffisance en blé dur d’ici à 2027 est ambitieuse, mais elle semble peu réaliste au vu des données actuelles. Le rapport de la FAO indique que pour atteindre une telle autosuffisance, l’Algérie devrait non seulement augmenter significativement sa production, mais aussi améliorer l’efficacité de sa chaîne de production, de la semence à la récolte. Les investissements nécessaires en infrastructure, en technologie agricole et en gestion des ressources hydriques sont énormes et nécessitent une planification et une exécution rigoureuses.

Capacités de stockage et de gestion des ressources

Le ministre a annoncé la construction de 30 unités de silos de stockage avec une capacité totale de 30 millions de quintaux. Bien que cette initiative soit positive, elle ne résout pas les problèmes fondamentaux de production. Le rapport de la FAO souligne que l’amélioration des capacités de stockage ne compensera pas les déficits de production si les rendements agricoles ne sont pas augmentés parallèlement. De plus, la gestion efficace des silos est cruciale pour éviter les pertes post-récolte, un domaine où l’Algérie a encore beaucoup à faire.

Données du rapport de la FAO

Rendement agricole

Selon le dernier rapport de la FAO, le rendement moyen des cultures de blé en Algérie est nettement inférieur à celui des pays voisins et des normes internationales. En 2022, le rendement moyen était de 1,5 tonne par hectare, contre 2,5 tonnes par hectare en Tunisie et 3,0 tonnes par hectare au Maroc. Cette différence s’explique par des pratiques agricoles obsolètes, un accès limité aux technologies modernes et une utilisation inefficace des intrants agricoles.

Réformes nécessaires

Pour atteindre l’autosuffisance, la FAO recommande plusieurs réformes cruciales :

  • Modernisation des pratiques agricoles : introduction de technologies modernes pour améliorer les rendements.
  • Gestion des ressources en eau : optimisation de l’irrigation et gestion durable des ressources hydriques.
  • Formation des agriculteurs : programmes de formation continue pour les agriculteurs sur les meilleures pratiques agricoles.
  • Infrastructures : développement des infrastructures de transport et de stockage pour réduire les pertes post-récolte.

Défis et obstacles

Climatiques et environnementaux

Les défis climatiques sont particulièrement importants en Algérie. Les sécheresses récurrentes et l’irrégularité des précipitations rendent la production céréalière très vulnérable. Le rapport de la FAO souligne que, sans une gestion améliorée de l’eau et des systèmes d’irrigation efficaces, les objectifs d’autosuffisance sont inatteignables.

Économiques et politiques

Les défis économiques et politiques sont également significatifs. L’instabilité politique et les contraintes budgétaires limitent la capacité du gouvernement à investir dans le secteur agricole. La corruption et la bureaucratie entravent souvent la mise en œuvre efficace des politiques et des programmes agricoles.

Conclusion

La promesse de l’autosuffisance en blé dur d’ici à 2027, bien qu’encourageante, semble être davantage une déclaration de propagande électorale qu’une réalité basée sur des faits. Le dernier rapport de la FAO montre clairement que l’Algérie a encore un long chemin à parcourir pour atteindre cet objectif ambitieux. Les défis climatiques, économiques et politiques, ainsi que la dépendance structurelle aux importations, nécessitent des réformes profondes et soutenues. Plutôt que de se livrer à des déclarations électorales, il est essentiel que le gouvernement algérien se concentre sur la mise en œuvre de solutions pragmatiques et réalisables pour améliorer la production céréalière et atteindre une véritable sécurité alimentaire.

Khaled Boulaziz

Références

  • FAO. (2023). Rapport sur la situation des céréales en Algérie
  • Ministère de l’Agriculture et du Développement rural, Algérie. (2024). Communiqués et rapports.