Saladin, ou le rêve inachevé de Mustapha Akkad

Les religions sont des rameaux d’un même arbre.

Khalil Gibran – Homme de Lettres Libanais (1888-1931)

Dans les méandres des difficultés et des désaccords, l’histoire du film tant attendu s’écrit avec une intensité inattendue. C’est dans l’année 1974 que Mustapha Akkad, cinéaste intrépide, entreprend son périple pour donner vie à son projet ambitieux. Après avoir marqué les esprits à travers le succès retentissant de « Halloween » aux États-Unis, Akkad, d’origine syro-américaine, se tourne vers un projet plus audacieux : une biographie cinématographique du Prophète Mohammed.

Dès les premiers pas de cette aventure cinématographique, Akkad se trouve confronté à un obstacle majeur : la représentation controversée du Prophète et de ses compagnons. Malgré son désir ardent de donner vie à cette figure vénérée, Akkad se heurte à l’opposition catégorique des oulémas, notamment en Arabie saoudite.

Au cours de cette année charnière, Akkad entreprend une série de rencontres et de démarches diplomatiques pour obtenir le soutien financier nécessaire à la réalisation de son film. En avril 1974, le tournage débute enfin, sous les cieux ensorcelants de Ouarzazate, au Maroc. Cependant, alors que les caméras commencent à tourner, une nouvelle inattendue vient ébranler les fondations de son projet : l’intervention royale du roi Hassan II, souverain du Maroc.

Confronté à la pression croissante de l’Arabie saoudite, le roi Hassan II alors en difficulté avec l’Algérie, se voit contraint de retirer son soutien au projet, plongeant ainsi Akkad dans une profonde perplexité. Malgré cette déconvenue, l’équipe persiste et trouve refuge en Libye, où le colonel Mouammar Kadhafi accueille chaleureusement le projet controversé. C’est dans les hauteurs de Benghazi que le film reprend vie, poursuivant son cheminement malgré les tourments politiques et les tempêtes médiatiques.

À mesure que les années passent, le film prend forme, porté par la passion inflexible de son réalisateur et de son équipe. En 1977, le tournage se termine enfin, marquant la fin d’une épopée cinématographique mouvementée. Malgré les défis et les obstacles, le film demeure un témoignage poignant de la détermination humaine face à l’adversité.

Cependant, même après sa réalisation, le chemin du film vers le grand public est semé d’embûches. Interdit dans de nombreux pays arabes pendant des années, le film demeure un sujet de controverse et de débat dans le monde musulman. Ce n’est qu’en 2018, sous le règne du roi Salmane en Arabie saoudite, que le film est enfin autorisé à être projeté dans les cinémas du royaume, mettant ainsi fin à des décennies de censure et de controverse.

Malgré sa reconnaissance tardive, le film de Mustapha Akkad demeure un témoignage puissant de la persévérance humaine et de la force de la conviction. À travers les épreuves et les tribulations, Akkad a su porter son projet avec une passion inébranlable, laissant derrière lui un héritage cinématographique qui continuera d’inspirer les générations futures.

Tragiquement, alors qu’il s’apprêtait à poursuivre son œuvre avec un nouveau projet, Mustapha Akkad trouve la mort aux côtés de sa fille dans un attentat à la bombe perpétré contre des hôtels à Amman, en Jordanie. Son rêve de donner vie à l’histoire de Saladin demeure inachevé, mais son héritage artistique et son engagement resteront gravés dans l’histoire du cinéma.

Khaled Boulaziz