« Le sionisme n’est pas seulement une doctrine de conquête… il s’érige non contre un peuple en particulier, mais contre l’idée même de l’humain comme égal. »
Ce constat éclaire la scène de Sharm el-Sheikh : un sommet mondial pour tenter de stopper l’hémorragie, et l’absence ostentatoire de celui qui orchestre méthodiquement la destruction — Benjamin Netanyahou. Il n’était pas là parce que la paix ne fait pas partie de son vocabulaire politique. Sa langue, c’est le siège, la punition, la supériorité armée.
Le sionisme ou l’annulation de l’humain
Ce qui se joue aujourd’hui dépasse la simple guerre. Le projet sioniste, dans sa traduction étatique la plus brutale, ne se contente pas de contrôler un territoire : il nie l’existence même de l’Autre comme être humain égal. L’effacement de la Palestine n’est pas seulement militaire, il est symbolique : rendre l’ennemi illégitime, illisible, sans voix et sans visage. À Sharm el-Sheikh, ce mécanisme a été mis à nu. La diplomatie mondiale a tenté de réintroduire une idée simple : un enfant palestinien vaut une vie humaine. Pour Netanyahou, ce rappel est insupportable.
Sharm el-Sheikh : la parole des vivants face aux machines de mort
Des chefs d’État ont pris place autour de la table : États-Unis, Égypte, Turquie, France, Allemagne, monarchies du Golfe, dirigeants africains, européens et arabes. Ils ont apposé des signatures, prononcé des déclarations. Mais cette scène n’était pas une célébration : c’était un acte de survie morale. On ne signait pas un traité de paix ; on tentait d’empêcher un peuple d’être écrasé une fois pour toutes.
Pendant que les flashs capturaient des poignées de main polies, les sirènes hurlaient encore à Gaza. L’odeur de la poussière humaine se mêlait au langage diplomatique. On parlait de reconstruction alors que les bulldozers israéliens rasaient encore des quartiers entiers.
Netanyahou, l’absent qui bombarde
Netanyahou n’a pas boycotté la conférence, il l’a méprisée. Son absence n’est pas un geste d’orgueil, mais un acte de doctrine : ne jamais reconnaître que l’Autre a un droit à la parole. Il ne négocie pas, il assiège.
Chaque missile tiré sur Rafah ou Khan Younès, pendant que les chefs d’État signaient des brochures de paix, était un message clair : Je ne vous reconnais pas, je ne reconnais personne. Seule la force parle.
Refuser de s’asseoir à une table de négociation, c’est refuser l’égalité. Et c’est précisément cela que cherche la machine sioniste : maintenir la Palestine dans un statut infra-humain, un espace où la paix ne peut même pas être discutée parce qu’elle impliquerait une reconnaissance de l’existence palestinienne.
Les complices au banquet : l’hypocrisie occidentale
Il faut nommer la duplicité. Certains de ceux qui ont signé à Sharm alimentent simultanément la machine de guerre israélienne. Ils dénoncent sur scène, mais livrent en coulisses : armes, technologies de ciblage, financements, silence diplomatique utile. Ils se disent médiateurs mais restent fournisseurs officiels d’une armée qui écrase des civils.
On appelle cela non pas neutralité, mais complicité.
Ils signent des accords de paix tout en livrant le kérosène des bombardiers.
Il existe, entre Netanyahou et une partie des chancelleries occidentales, un pacte tacite : nous ferons semblant de condamner, mais nous ne vous arrêterons jamais vraiment.
Un basculement : Israël face à un mur moral
Cependant, quelque chose a basculé à Sharm el-Sheikh. Pour la première fois depuis longtemps, les regards internationaux ne se sont pas tournés vers la Palestine pour l’accuser de crispation, mais vers Israël pour lui demander : jusqu’où ?
Une fissure est apparue : légitimité morale contre puissance armée.
Le monde n’a pas renversé Israël par les armes, mais il a commencé à l’isoler par le regard, ce regard insupportable pour tout régime qui prétend incarner la civilisation tout en rasant des écoles de l’UNRWA.
Ce n’est pas encore une condamnation. C’est pire : c’est le début de la honte publique.
Dire encore : Palestine
Face à la machine d’effacement, dire « Palestine » est déjà un acte de résistance. Ce nom, que certains aimeraient effacer des cartes, demeure — comme demeurent les mères qui hurlent sous les gravats, les bibliothèques brûlées, les chants étouffés.
On peut détruire les immeubles, pas la mémoire.
On peut fermer les frontières, pas la dignité.
Netanyahou et son cabinet peuvent multiplier les offensives, mais chaque frappe renforce quelque chose qu’ils haïssent : l’évidence du droit palestinien à exister.
Écrire, car se taire serait la dernière défaite
Lorsque les bombes saturent l’air et que les écrans se fatiguent des images de massacres, il ne reste qu’un outil : la parole.
Parler, écrire, nommer, c’est refuser que la normalisation du crime s’installe.
Nous ne réclamons pas la vengeance. Nous exigeons seulement que les mots cessent d’être complices.
Taire une injustice, c’est déjà s’y associer. Nommer le criminel, c’est commencer son procès.
Les prochains jours seront un tribunal
À Sharm el-Sheikh, le monde a essayé d’arracher un cessez-le-feu au milieu des décombres. Netanyahou, lui, a continué de frapper. Le décor est posé : d’un côté, ceux qui signent ; de l’autre, celui qui bombarde en silence.
Les prochains jours seront le véritable tribunal.
Ou bien le criminel des temps modernes respectera enfin la trêve annoncée en son absence,
ou bien il confirmera devant l’histoire qu’il n’est pas un chef d’État, mais un seigneur de guerre incapable d’honorer même sa propre parole face à l’humanité entière.
Le monde observe. Gaza saigne. Le mensonge ou la vérité se dessinera non dans les discours, mais dans les ruines ou la vie épargnée.
Khaled Boulaziz