Il fallait qu’Israël s’acharne jusqu’à l’os. Il fallait que la barbarie talmudique — celle des rabbins qui psalmodient entre deux frappes aériennes — atteigne un tel paroxysme d’inhumanité pour que le monde musulman, hébété depuis un siècle par l’illusion du modèle occidental, ouvre enfin les yeux. Gaza, ce n’est pas seulement un charnier. Gaza, c’est le miroir brisé d’une imposture : celle d’un ordre occidental prétendument universel, mais en vérité tribal, raciste, menteur, exterminateur. Ce que Netanyahou et ses sbires ont cru écraser, c’est un peuple. Ce qu’ils ont réellement abattu, c’est la dernière illusion qui tenait encore les musulmans enchaînés au mythe du progrès occidental.
Il faut le dire sans détour : la violence d’Israël n’est pas politique, elle est métaphysique. Elle est nourrie par une vision religieuse hystérique, celle des rabbins messianiques qui citent le Talmud pour justifier les meurtres de masse, les enfants enterrés vivants, les hôpitaux rasés, les femmes enceintes criblées de balles. Et pendant que ces monstres bénissent les bombes, les chancelleries occidentales ricanent, expliquent, relativisent, osent parler de « légitime défense ». Comme si un peuple affamé, encerclé, démembré depuis soixante-quinze ans pouvait menacer l’une des armées les plus sophistiquées du monde.
Israël n’a pas détruit Gaza. Il l’a sanctifiée. Il l’a élevée au rang de conscience universelle. Tandis que les dirigeants arabes rampent, les Gazaouis se tiennent debout. Tandis que les universités européennes censurent, les enfants de Rafah récitent les versets de résistance. Tandis que les soldats israéliens postent leurs selfies sanguinaires, les mères palestiniennes lavent les corps de leurs enfants avec une dignité que l’Occident a perdue depuis longtemps. Gaza n’est pas morte : c’est l’Occident qui est en état de mort clinique, et il ne le sait même pas encore.
Regardez autour de vous : les élites arabes, formées à Paris, Londres ou Washington, bredouillent. Elles ne savent plus quoi dire. Leur langue a été colonisée. Leur pensée est sèche. Leur morale, empruntée. Mais dans les cœurs des peuples musulmans, un basculement s’opère. Pour la première fois depuis la chute d’Istanbul, l’idée que l’Occident est une boussole morale, intellectuelle, politique… vacille. Gaza a tout remis en question. Elle a ruiné les humanismes de pacotille, les droits de l’homme à géométrie variable, les ONG complices, les féminismes silencieux, les gauches vérolées, les chancelleries prostituées.
La sauvagerie israélienne n’est pas un accident. Elle est le fruit d’un projet : faire de la Palestine un désert éthique, une terre de silence et d’effacement. Mais ce projet s’est retourné contre ses promoteurs. Chaque missile tombé sur Gaza a ouvert une fissure dans le discours occidental. Chaque enfant mutilé a arraché un masque. Chaque maison détruite a révélé l’architecture d’un monde en ruine morale. À force de tuer, Israël a tué ce qui lui donnait sa couverture : la fiction de la supériorité morale.
Les talmudistes belliqueux, eux, continuent leur danse macabre. Ils parlent de Amalek, de purification, de vengeance divine. Ils se croient dans l’Ancien Testament, armés de F-35 et de bombes au phosphore. Ils prétendent être des victimes éternelles, alors qu’ils ont fait de la cruauté un mode de gouvernement. Qu’ils sachent ceci : chaque enfant palestinien assassiné forge un millier d’ennemis à leur idéologie. Non pas des ennemis aveugles, mais des êtres lucides, résolus, qui ont compris que la lutte n’était pas seulement pour la terre, mais pour l’âme du monde.
Et que fait l’Europe ? Elle applaudit. Elle subventionne. Elle arme. Elle criminalise les voix libres. Elle interdit les drapeaux palestiniens. Elle congédie les intellectuels critiques. Elle collabore, comme elle a toujours collaboré. Mais cette fois, ce n’est pas la Résistance qui est clandestine : c’est la barbarie qui est officielle. Quand Ursula von der Leyen félicite Israël, elle ne parle plus au nom des peuples européens, mais au nom d’un empire en décomposition, rongé par sa propre hypocrisie.
Ce que les bombardiers israéliens ont détruit à Gaza, c’est donc bien plus qu’une ville. Ils ont détruit l’Occident en tant qu’horizon pour les peuples colonisés. Gaza est désormais le tombeau de cette illusion. Les jeunes du Caire, d’Alger, de Djakarta, de Dakar ou d’Istanbul n’admirent plus Harvard ou la Sorbonne. Ils regardent Deir al-Balah. Ils pleurent devant les décombres d’un peuple debout. Et dans leurs larmes germe quelque chose que ni Israël, ni l’Occident ne pourront jamais bombarder : une renaissance.
Cette renaissance ne prendra pas la forme d’un califat de pacotille ou d’un revivalisme mimétique. Elle prendra racine dans une redécouverte lente, profonde, d’une civilisation islamique mutilée mais non morte. Une civilisation qui avait mis l’éthique au centre du politique. Une civilisation dont les hôpitaux étaient des sanctuaires, non des cibles. Une civilisation qui avait fait de la parole un acte, de la justice un pilier, de l’humain une promesse. Cette civilisation est en train de revenir, non par nostalgie, mais par nécessité.
Gaza a précipité ce retournement. Et Israël, dans son aveuglement messianique, aura été le fossoyeur du modèle occidental dans le cœur des musulmans. Ce n’est pas une victoire militaire. C’est une victoire symbolique. Et les victoires symboliques sont les seules qui survivent aux siècles. Israël voulait effacer Gaza. Il a gravé son nom dans l’histoire comme le point de bascule. Le moment où la civilisation islamique a cessé d’imiter pour recommencer à penser. Où elle a cessé d’espérer en l’Occident pour recommencer à croire en elle-même.
Khaled Boulaziz