Depuis son indépendance en 1962, acquise au prix d’une guerre de libération de près de huit ans contre la colonisation française, l’Algérie a été gouvernée par une élite militaire qui, au fil des décennies, s’est figée en une gérontocratie. Cette concentration du pouvoir entre les mains de dirigeants âgés entrave le renouvellement nécessaire des institutions et freine l’émergence de nouvelles idées, pourtant cruciales pour répondre aux aspirations d’une population majoritairement jeune.
Un pouvoir enraciné depuis l’indépendance
À l’aube de l’indépendance, le Front de libération nationale (FLN) s’est imposé comme la force politique dominante, structurant le paysage politique autour d’une légitimité révolutionnaire. Les figures militaires issues de la guerre d’indépendance ont alors occupé les postes clés du pouvoir, instaurant un système où l’armée joue un rôle prépondérant dans la gouvernance du pays. Cette situation a perduré, menant à une concentration du pouvoir entre les mains de dirigeants vieillissants.
Une jeunesse en quête d’avenir
L’Algérie est caractérisée par une démographie jeune. Pourtant, cette jeunesse se heurte à un système éducatif et économique en décalage avec ses aspirations. Les opportunités d’emploi sont limitées, et nombreux sont ceux qui envisagent l’émigration comme seule issue. En 2023, 32 147 étudiants algériens étaient inscrits dans des établissements d’enseignement supérieur en France, soit une augmentation de 4 % par rapport à l’année précédente. Ce chiffre témoigne de la volonté de la jeunesse algérienne de chercher ailleurs les perspectives qui lui font défaut dans son propre pays.
Une élite militaire vieillissante
L’armée nationale populaire (ANP) demeure un pilier central du pouvoir en Algérie. Selon le classement 2022 du Global Fire Power, l’Algérie est la 26ᵉ puissance militaire mondiale et la deuxième d’Afrique, derrière l’Égypte. En 2025, les dépenses militaires sont prévues à hauteur de 3 349 milliards de dinars, soit 20 % du budget national.
Cette prépondérance militaire s’accompagne d’une longévité exceptionnelle des dirigeants. Une étude biographique révèle que sur un échantillon de 113 militaires, la moitié sont nés entre 1932 et 1942, ce qui les place aujourd’hui dans une tranche d’âge comprise entre 83 et 93 ans. (1)
Les conséquences d’une gérontocratie sur le développement
La mainmise d’une élite militaire vieillissante sur les rouages de l’État a plusieurs conséquences néfastes :
- Blocage des réformes : Les initiatives visant à moderniser l’économie ou à diversifier les sources de revenus sont souvent entravées par des intérêts établis, réticents au changement.
- Déconnexion avec la réalité sociale : Les dirigeants âgés peuvent être éloignés des préoccupations et des besoins de la jeunesse, menant à des politiques publiques inadaptées.
- Frein à l’innovation politique : L’absence de renouvellement des élites empêche l’émergence de nouvelles visions et de leaders capables d’insuffler une dynamique différente.
Vers une nécessaire transition générationnelle
Pour que l’Algérie puisse pleinement exploiter son potentiel et offrir à sa jeunesse les perspectives qu’elle mérite, une transition générationnelle au sein des instances dirigeantes est indispensable. Cela implique non seulement un rajeunissement des cadres politiques et militaires, mais aussi une ouverture vers une gouvernance plus inclusive, transparente et en phase avec les réalités contemporaines.
L’histoire de l’Algérie est riche en luttes pour la liberté et la dignité. Il est temps que cet héritage se traduise par une véritable ouverture démocratique, permettant à toutes les générations de contribuer à la construction d’un avenir commun prospère.
Khaled Boulaziz
(1) https://books.openedition.org/psorbonne/113296?lang=en&utm_source=chatgpt.com