Le Grand Maghreb : Les régimes algérien et marocain sabotent l’avenir de toute une région

Alors que le monde s’organise autour de blocs économiques régionaux pour assurer sa souveraineté et sa résilience, le Maghreb demeure un contre-modèle tragique. Cette région, riche en ressources naturelles, en histoire commune et en complémentarité économique, est aujourd’hui l’un des espaces les moins intégrés au monde. Une situation aberrante, mais surtout le fruit d’un sabotage méthodique orchestré par les élites dirigeantes de deux régimes ennemis : la junte militaire algérienne et la monarchie marocaine.

Une guerre froide absurde, un désastre économique

Les chiffres de 2023 révèlent l’étendue du désastre : le commerce entre l’Algérie et le Maroc est inférieur à 130 millions de dollars US. À peine 1,8 % des importations algériennes viennent du Maghreb, et seulement 3,6 % de ses exportations y sont destinées. Ce vide commercial n’est pas un accident, c’est une politique. Une politique d’hostilité, de repli, et de sabotage régional.

Alors que d’autres régions bâtissent des unions douanières, des zones de libre-échange, des corridors logistiques et des politiques communes, le Grand Maghreb s’enfonce dans la fragmentation et l’isolement, alimenté par des décennies de tensions diplomatiques et de rivalités mal digérées.

Une course à l’armement délirante

La situation devient encore plus indécente lorsqu’on observe les priorités budgétaires des deux régimes. En 2025, l’Algérie a alloué plus de 25 milliards de dollars à son budget de défense, un chiffre historique. Le Maroc, quant à lui, consacre plus de 13 milliards de dollars à sa modernisation militaire. Ensemble, plus de 38 milliards de dollars sont engloutis dans une course à l’armement alors que les systèmes de santé sont à bout de souffle, l’éducation en crise et les infrastructures publiques dégradées.

Pendant ce temps, la jeunesse maghrébine désespère, s’exile ou se révolte. Elle observe avec amertume ces milliards investis dans des radars, des drones et des missiles, pendant que l’avenir commun est hypothéqué par l’aveuglement stratégique des élites.

Une impasse politique entretenue par des régimes archaïques

Le régime algérien, verrouillé par une caste militaire vieillissante et cynique, continue de considérer le Maroc comme une menace structurante pour justifier sa mainmise sur le pays. La monarchie marocaine, quant à elle, instrumentalise la question du Sahara pour renforcer l’emprise sécuritaire du Makhzen et obtenir le soutien de puissances étrangères.

Deux régimes prisonniers de leurs logiques d’hostilité, incapables de proposer une vision régionale, figés dans une lecture de la souveraineté comme enfermement plutôt que comme construction collective. Résultat : une région où l’idéologie prime sur l’intelligence, où la paranoïa supplante la coopération.

Un appel au sursaut maghrébin

Il est temps d’ouvrir les yeux : aucun pays dans le monde ne s’est développé seul contre ses voisins. L’Europe, l’Asie du Sud-Est, l’Afrique de l’Ouest ont compris que l’interdépendance est une force, pas une faiblesse. Le Maghreb doit sortir de cette logique de guerre froide imposée par ses régimes autoritaires.

Ce sursaut ne viendra pas d’en haut. Il doit émerger des sociétés civiles, des entrepreneurs, des artistes, des intellectuels, des jeunes. Il faut un nouveau récit maghrébin, basé sur la complémentarité, l’échange, l’union dans la diversité. Car tant que l’on laissera les militaires et les monarchies dicter leur loi, le Grand Maghreb restera prisonnier de sa propre tragédie.

Khaled Boulaziz