L’ambassadeur d’Algérie aux États-Unis, Sabri Boukadoum, s’est récemment illustré par une déclaration aussi creuse que révélatrice de la mentalité de la caste militaire qui dirige l’Algérie d’une main de fer. (1) « The sky is the limit », a-t-il osé proclamer, en évoquant le renforcement de la coopération militaire avec Washington. Un bel exercice de soumission qui, loin de traduire une ambition nationale, expose une fois de plus l’alignement servile d’un régime dont la survie dépend de ses jeux d’équilibriste entre grandes puissances.
Une diplomatie du ventre creux
Derrière le lyrisme sirupeux de Boukadoum se cache une réalité brutale : l’Algérie, exsangue économiquement, tente désespérément de monnayer sa position géographique, son potentiel énergétique et minier (les terres rares) pour gagner en pertinence aux yeux de Washington. À l’heure où la présence militaire américaine s’effrite en Afrique et où Moscou et Pékin étendent leur influence, l’ambassadeur vend l’illusion d’un partenariat stratégique où l’Algérie jouerait un rôle clé dans la sécurité régionale. Ce faisant, il réduit son pays à une simple variable d’ajustement dans le grand jeu des puissances.
Le discours de Boukadoum, parsemé d’invocations incantatoires à la « coopération », dissimule mal le fait que l’armée algérienne, dont il est le porte-parole officieux, cherche avant tout à garantir sa propre pérennité. Il ne s’agit pas tant de défendre les intérêts d’un peuple spolié que d’assurer la continuité d’un appareil répressif dont l’allégeance est mise aux enchères.
L’hypocrisie de la souveraineté
Ironie suprême, l’ambassadeur rappelle avec insistance l’indépendance conquise en 1962, tout en négociant la mise sous tutelle militaire de son pays par une puissance étrangère. Dans un moment d’aveuglement ou de cynisme, il évoque même « l’avantage » que l’Algérie pourrait offrir aux États-Unis grâce à son « facteur humain » – comprendre : la connaissance intime des réseaux tribaux et des dynamiques régionales. En d’autres termes, l’Algérie se propose comme auxiliaire de renseignement pour le compte de Washington. Après avoir dénoncé pendant des décennies les ingérences occidentales, le régime algérien se transforme en supplétif de la puissance américaine dans la région sahélienne.
Il faut ici rappeler que cette même junte militaire n’a jamais toléré la moindre velléité d’ingérence lorsqu’il s’agissait de dénoncer la répression des opposants, la corruption généralisée ou l’absence totale de libertés démocratiques. Mais lorsqu’il est question de garantir la survie du système en place, la souveraineté devient un concept à géométrie variable.
La marchandisation du pays
Boukadoum ne s’arrête pas là. Il déroule le catalogue des « avantages » qu’offre l’Algérie aux Américains : richesses naturelles, infrastructures de data centers à bas coût, et bien sûr, une jeunesse majoritairement en dessous de 30 ans, qu’il présente comme un atout. Une manière polie de dire que l’Algérie dispose d’une main-d’œuvre corvéable à merci et d’un marché à exploiter. À l’heure où la misère et le désespoir poussent des milliers de jeunes à risquer leur vie en mer, le pouvoir, lui, se félicite de son potentiel démographique.
Un avenir sous occupation économique et militaire
L’accord militaire signé avec Washington, présenté comme un cadre « juridique » pour renforcer la coopération bilatérale, n’est en réalité qu’un mécanisme supplémentaire de mise sous dépendance. L’histoire récente de l’Algérie, marquée par l’oppression coloniale et la guerre civile, aurait dû inspirer à ses dirigeants un minimum de prudence dans l’acceptation des logiques impérialistes. Au lieu de cela, Boukadoum se félicite du rôle de vassal que son pays est prêt à jouer.
Que l’ambassadeur se rassure : le ciel ne sera pas la limite de la chute du régime qu’il défend. La jeunesse qu’il vend aujourd’hui comme un « atout » pourrait bien être demain le fer de lance d’une révolte qui balaiera cette caste militaire et ses serviteurs diplomatiques. Le vent de l’histoire, lui, ne tolère pas les trahisons éternelles. Cette fuite en avant du pouvoir, en rupture totale avec les idéaux du 1er Novembre, n’aura d’autre issue que son effondrement sous le poids de ses contradictions.
Khaled Boulaziz
(1) https://defensescoop.com/2025/03/07/algeria-ambassador-us-bilateral-military-plans/