Le 19 mars : l’Algérie, d’un combat pour la liberté à un destin confisqué

À toutes les Algériennes et tous les Algériens qui ont souffert durant la longue nuit coloniale et qui continuent de vivre le martyre dans un pays dont le destin fut empêché.

Le 19 mars, ce jour maudit où le feu cessa sans pour autant que l’honneur fût sauvé, où les accords d’Évian signèrent non une paix, mais un marché de dupes. Ce jour où la France, exsangue d’une guerre qu’elle n’osait plus nommer, céda à l’inéluctable avec la lâcheté bureaucratique des nations vieillissantes. Ce jour où l’Algérie, née dans le fracas du sang et de la mitraille, se crut libre alors qu’elle n’échappait que pour mieux sombrer dans l’étreinte mortelle d’un nouveau joug, celui de ses propres tyrans.

Et nous voici, plus de soixante ans plus tard, à exhumer les os calcinés de l’Histoire pour les brandir en trophées ou en réquisitoires. Algérie et France, jadis ligotées dans un duel de fer et de feu, s’écharpent aujourd’hui dans une guerre plus insidieuse, celle des mémoires souillées et des amitiés trahies. La France, qui refuse de regarder en face son passé colonial sans sombrer dans une autoflagellation grotesque ou une nostalgie puérile. L’Algérie, qui, en guise de nation, n’aura su enfanter que des satrapes corrompus, recyclant ad nauseam les lambeaux fanés d’une épopée révolutionnaire dont ils ne furent ni les artisans, ni les héros, mais les profanateurs.

Une révolution confisquée, une nation entravée

L’Algérie ! Un pays aurait dû être un pays nourricier pour son peuple, où justice et ordre règnent, où l’abondance et l’équité remplaceraient la pénurie et l’arbitraire ! Mais non, il fallait que la sève de son héroïsme fût siphonnée par une caste repue, des apparatchiks ventrus et dégoulinants de privilèges. On avait promis la liberté, on a livré une prison à ciel ouvert. On avait juré la dignité, on a dressé les gibets pour les enfants de novembre. Le drapeau du FLN flotte aujourd’hui comme un suaire au-dessus d’un peuple bâillonné, ses couleurs ternies par l’opprobre des despotes qui l’agitent en paravent à leur pillage méthodique.

Et pendant ce temps, en France, les élites algériennes corrompues ripaillent à l’ombre des dorures républicaines, protégées par une complaisance qui frôle la prostitution diplomatique. Ces mêmes chefs qui font de la souveraineté un refrain pour opprimer leur peuple, mais qui s’empressent de planquer leurs fortunes dans les banques suisses et d’envoyer leur progéniture se vautrer dans le luxe des écoles parisiennes. Ironie suprême : alors que l’Algérien ordinaire se débat pour obtenir un visa et franchir une frontière devenue mur, les proxénètes du régime circulent en toute impunité, brandissant leur passeport diplomatique comme un sauf-conduit vers l’indécence.

Le règne des tyrans et la farce des oppresseurs

Mais qu’importe la honte quand l’impunité est reine ? Qu’importe la vérité quand le mensonge est loi ? L’histoire n’est plus qu’un champ de bataille où l’on falsifie les faits avec la même désinvolture que l’on truque les élections. Les prisons algériennes débordent d’opposants que l’on enferme pour un post Facebook, pour un sourire jugé trop large, pour un regard trop libre. La justice n’est plus qu’une caricature cynique, une machine à broyer ceux qui rêvent encore.

Et qui s’en offusque ? La France, qui fut autrefois le bourreau, se mue aujourd’hui en complice, offrant l’asile aux oligarques du régime pendant qu’elle ferme les yeux sur les geôles où croupissent ceux qui osent réclamer un avenir. L’Occident, toujours prêt à donner des leçons de démocratie, se tait lorsque ses intérêts sont bien gardés.

Mais nous, nous refusons ce silence. Nous refusons cette mascarade où les héros sont enterrés vivants pendant que les fossoyeurs se pavanent. Nous exigeons que cesse cette mascarade diplomatique, cette danse macabre où la France et l’Algérie, au lieu de s’affronter en vérité, se murent dans une hypocrisie qui n’a d’égale que leur lâcheté respective.

Ce que nous exigeons : non plus des mots, mais des actes

Nous ne voulons plus de commémorations vidées de leur substance, de déclarations creuses qui n’engagent que ceux qui les croient. Nous voulons :

  • La libération immédiate de tous les prisonniers d’opinion, car nul ne devrait croupir en cellule pour avoir osé penser.
  • Le rétablissement du droit élémentaire de circulation dans le Maghreb, car une frontière ne devrait pas être une barrière infranchissable pour ceux qui veulent simplement vivre.
  • Une transition démocratique véritable, et non ces simulacres électoraux où les dés sont pipés avant même que les urnes soient installées.
  • La fin de l’indécente connivence entre Paris et Alger, cette alliance des mafias politiques qui trahissent leurs peuples sous couvert de coopération.
  • Une relation entre la France et l’Algérie fondée sur la justice et la transparence, et non sur les compromis honteux et les petits arrangements entre amis.

Ce 19 mars ne doit pas être seulement une date sur un calendrier. Il doit être une borne, un cri, une détonation. Le signal d’un réveil, non pas d’un pays mais de deux, pour briser ensemble les chaînes d’une histoire confisquée.

La patience a ses limites, et nous avons assez attendu.

Khaled Boulaziz