L’Algérie captive : Chronique d’une oligarchie pillarde et sanguinaire

Une prétendue république où l’État n’est plus qu’un palimpseste corrompu, réécrit à chaque règne par les scribes d’une caste enkystée dans le pouvoir. Là-bas, les principes républicains ne sont qu’un trompe-l’œil destiné à masquer l’édifice d’une rente verrouillée, où privilège et prédation fusionnent dans une alchimie perverse.

L’État captif : une confiscation du bien commun

L’État se fait spoliation, et le pouvoir un code secret, un lexique d’initiés réservé à ceux qui détiennent le sceau de la connivence. Un passeport diplomatique n’est plus un instrument de représentation, mais un sésame pour échapper aux lois, éviter les files d’attente, abolir les distances. L’emploi, lui, se fige dans le simulacre : des postes offerts à ceux qui ne les occuperont jamais, des salaires versés pour des missions qui ne seront jamais accomplies. On ne recrute pas, on adoube. On ne gouverne pas, on théâtralise.

Une médecine à deux vitesses

Quant à la maladie, elle se vit à deux vitesses : les hôpitaux en déshérence pour les damnés, les cliniques européennes pour les élus. Comme si la biologie elle-même était un instrument de classe, un régulateur cynique d’un darwinisme d’État. On meurt à l’hôpital de Bab El Oued, on renaît à Neuilly.

La finance de l’ombre et le grand pillage

Et l’argent ? Il se dérobe au regard du peuple, s’évapore dans un change occulte, court les rues d’Alger en billets froissés, s’engouffre dans les valises diplomatiques avant d’atterrir sur des comptes à l’étranger. Les banques ne financent pas les projets, elles édifi ent des forteresses pour le capital captif des familles détenant le pouvoir. Pendant que la jeunesse s’exile faute d’opportunités, les circuits parallèles prospèrent, transformant l’État en une caverne d’Ali Baba moderne.

Une justice aux ordres

Dans cette mascarade, la justice n’est qu’un trompe-l’œil. Elle frappe les dissidents, mais absout les fidèles. Le juge n’est qu’un scribe soumis, appliquant la sentence dictée par le cercle restreint des gardiens de l’ordre oligarchique. La sentence est prononcée avant le procès, le verdict scellé avant l’audience. Ceux qui tombent en disgrâce ne sont pas jugés pour leurs crimes, mais pour leur trahison du pacte silencieux de la caste.

L’armée et la police : boucliers de l’oligarchie

L’Algérie n’est pas une république, elle en porte le masque. Une illusion entretenue par ceux qui la pillent, ceux qui s’en nourrissent. Il ne reste que l’appareil sécuritaire comme colonne vertébrale, un État spectral où l’armée et la police ne protègent plus la nation, mais un système dont ils sont les artisans et les geôliers. La loyauté ne se gagne pas, elle s’achète. Et les promotions ne récompensent pas le mérite, mais l’obéissance.

Une société verrouillée

On ne gouverne pas, on règne. On ne dirige pas, on possède. Et le peuple, éternel exclu, récite sans cesse la même liturgie du déséspoir : partir ou se taire. La presse est muselée, la société civile démantelée, et les partis politiques ne sont que des pantins articulés par la main de l’État profond.

Vers une refonte impossible ?

Que reste-t-il à espérer dans un système où la corruption est la seule constante, où l’État est devenu un patrimoine privé, où les privilèges ne sont pas des anomalies, mais l’essence même du pouvoir ? Tant qu’une refonte républicaine basée sur l’égalité, la justice et la transparence ne sera pas engagée, l’Algérie restera une régence véritable, une « Ripou-blique » assumée, figée dans son cycle infernal de prédation et d’impunité.

Khaled Boulaziz