Le nom « Palestine » porte un poids immense. Il évoque des significations profondes, une importance historique, des dimensions religieuses, des associations symboliques, ainsi qu’une portée morale et politique. Quel que soit le contexte dans lequel ce nom apparaît, il reste imprégné de grandeur, de sacralité, de spiritualité et de lutte pour la liberté. Il incarne des idéaux nobles qui traversent les générations.
Depuis des décennies, Palestine a été un cri de ralliement pour les mouvements de libération à travers le monde. Des intellectuels, écrivains, poètes et philosophes ont puisé leur inspiration dans sa cause. Les dirigeants de la résistance l’ont adoptée comme une bannière religieuse, se battant sous son nom avec la conviction que leur lutte était juste et fondamentalement humaniste.
Cependant, comme tout symbole puissant, Palestine a également été détournée, vidée de sa noblesse et associée à des significations qui contredisent son essence.
Quand le sacré devient profane
Bien que Palestine soit généralement liée à une terre sacrée, elle a également été associée, de manière paradoxale, à des lieux d’horreur—sites de torture, fosses communes et abattoirs humains.
Un nom qui incarne la liberté et la résistance a été grotesquement détourné par le régime Assad en Syrie, qui a baptisé l’une de ses branches sécuritaires les plus redoutées « la Branche Palestine »—un centre tristement célèbre pour l’emprisonnement, la torture brutale et la mort. Entre ses murs, des crimes contre l’humanité ont été perpétrés, faisant de ce centre l’un des pires organismes de sécurité au monde.
C’est ici que se produit une distorsion—non seulement sur le plan moral, mais aussi dans le langage lui-même. La Palestine de la dignité et de la résistance se retrouve mêlée à la Palestine de l’oppression et de la terreur. Ce n’est pas seulement une attaque contre les valeurs, mais aussi contre le tissu même de la langue, où les significations sont manipulées pour servir des intérêts politiques.
La langue comme outil de manipulation
En arabe, certains mots possèdent des significations contradictoires. Par exemple, le mot « baseer » (بصير) peut signifier à la fois voyant et aveugle. L’attribution du nom « Branche Palestine » à un centre de torture suit ce même schéma—une distorsion intentionnelle visant à semer la confusion et à obscurcir la réalité. C’est comme ériger un lieu de culte sur une fosse commune pour en effacer l’existence.
Un autre exemple frappant est le mot « Qods » (Jérusalem). À l’origine, Qods signifie sainteté, pureté et élévation spirituelle—un nom intrinsèquement lié à la ville sacrée d’Al-Qods (Jérusalem).
Pourtant, ce même mot a été détourné pour désigner la Force Al-Qods iranienne, une unité paramilitaire et de renseignement responsable de crimes de guerre documentés en Irak, Afghanistan, Liban, Yémen, Syrie et dans les États du Golfe. Cette force a commis meurtres, attentats, tortures, déplacements forcés, incitations sectaires et trafic de drogue.
Désormais, les trois lettres du mot « Qods » portent deux significations opposées :
- Le sens originel—symbole de sainteté et de pureté.
- Le sens imposé—symbole de violence et de crimes de guerre.
Cette manipulation intentionnelle crée une confusion morale et conceptuelle, brouillant la distinction entre le sacré et le profane.
Le même schéma : Hezbollah et autres noms usurpés
Un autre exemple frappant est « Hezbollah », la milice soutenue par l’Iran au Liban. Son nom est tiré d’un verset coranique :
« En vérité, le parti d’Allah sera victorieux. » (Coran 5:56)
Ici, le « parti » (une entité humaine) a été associé à « Allah » (le sacré), créant ainsi une contradiction. Le nom Hezbollah est devenu indissociable des mêmes atrocités commises par la Force Al-Qods, créant un contraste entre sa connotation divine et sa réalité militaire et criminelle.
Pour de nombreux Syriens, Irakiens, Yéménites et Libanais, le drapeau de Hezbollah—portant un verset coranique—est désormais un symbole d’oppression et de destruction.
Cela soulève une question théologique majeure :
- Le Coran affirme que « Hezbollah sera victorieux », pourtant la milice a subi des défaites.
- Cela signifie-t-il que la promesse coranique est fausse ? Bien sûr que non.
- Cela révèle simplement la fraude derrière la revendication de Hezbollah—une milice qui a usurpé un titre divin pour masquer ses crimes.
Le même stratagème est employé par les Houthis au Yémen, qui se présentent sous le nom « Ansar Allah » alors que leurs actions—guerres, destructions et violences—contredisent totalement l’essence du nom qu’ils portent.
Un cas particulièrement choquant est survenu lorsque les médias iraniens ont rapporté une affaire de corruption impliquant une entité nommée « Khatam al-Anbiya »—un titre faisant référence à Mahomet, le Sceau des Prophètes. Or, il ne s’agissait pas du Prophète lui-même, mais d’une société militaire appartenant aux Gardiens de la Révolution iranienne, accusée de la plus grande fraude financière de l’histoire de l’Iran.
L’usurpation stratégique des noms sacrés
Tous ces exemples illustrent un schéma dangereux—l’appropriation de noms sacrés pour légitimer des organisations criminelles, des institutions oppressives et des actes de violence.
Ce phénomène ne se limite pas aux acteurs régionaux. Le sionisme a utilisé la même méthode—il a bâti un État sur la base de gangs terroristes et l’a nommé « Israël », d’après un prophète vénéré. Le Prophète Israël (Jacob) est un symbole de patience, de sagesse et de guidance divine, mais aujourd’hui, le nom « Israël » est également associé à la colonisation, l’occupation et les crimes de guerre. Les dirigeants de cet État sont poursuivis par la Cour pénale internationale, mais la confusion persiste entre le prophète sacré et l’État oppresseur.
Le danger de l’usurpation du sacré
L’usage détourné des noms sacrés pour masquer la brutalité et l’oppression entraîne plusieurs conséquences :
- Une confusion dans l’opinion publique, qui altère la perception de ces noms.
- Un affaiblissement du sacré, qui perd sa pureté.
- Une usurpation des causes, permettant aux criminels de se draper de légitimité pour justifier leurs actes.
C’est une manipulation stratégique du langage—transformer les noms sacrés en outils tactiques. Cette tactique trompe les masses, vide les causes de leur véritable signification et prépare le terrain pour leur spoliation.
Non pas pour servir la justice.
Non pas pour défendre la vérité.
Mais pour offrir aux tyrans et aux criminels l’illusion de la légitimité, leur permettant de dominer, piller, tuer et occuper—tout en se cachant derrière des noms sacrés.
Khaled Boulaziz