Sissi : Le tyran macabre dans le théâtre du sang et des ombres

Sissi incarne le comportement des tyrans à travers l’histoire : des proclamations excessives de pureté et d’innocence, accompagnées d’aveux voilés de leurs crimes lorsqu’ils se sentent à l’abri de toute rétribution. Récemment, hanté par la peur d’un « scénario syrien », Sissi a publiquement déclaré : « Par la grâce de Dieu, je n’ai ni versé le sang de quiconque, ni pris l’argent de personne.» Les Égyptiens, connus pour leur humour politique cinglant, l’ont tourné en dérision, le surnommant « le sanguinaire » (al-Muta’ass). Le débat ne porte pas sur la présence de sang sur ses mains, mais sur l’ampleur du massacre nécessaire pour mériter ce titre, car son bilan est indéniablement imprégné du sang des Égyptiens.

Du massacre de Rabaa à celui de Nahda, les atrocités commises sous le régime de Sissi ont été diffusées en direct dans le monde entier. Des chaînes comme ONTV, alors appartenant à Naguib Sawiris, ont retransmis la dispersion brutale des manifestations, laissant peu de place à la négation. Les mains de Sissi sont entachées du sang d’hommes, de femmes et d’enfants de divers horizons : islamistes, chrétiens, libéraux, socialistes et au-delà. Même l’activiste Shaimaa al-Sabbagh, qui portait pacifiquement des fleurs dans les rues du Caire, a été abattue en pleine vue. Elle n’était pas islamiste—simplement une citoyenne réclamant la justice—et sa mort illustre la violence indiscriminée du régime.

L’ampleur des massacres sous Sissi défie les principes moraux et religieux. L’interdiction coranique de tuer injustement est sans équivoque : « Quiconque tue une personne, sauf en représailles d’un meurtre ou pour corruption sur terre — c’est comme s’il avait tué toute l’humanité » (Sourate Al-Ma’idah : 32). Pourtant, pour Sissi, les vies semblent avoir une valeur variable en fonction des récits politiques. Son attitude dédaigneuse envers les massacres, sous le prétexte de la grâce divine, souligne son détachement moral.

Au-delà des frontières de l’Égypte, la main de Sissi s’est étendue à Gaza. Son régime n’a pas seulement facilité les blocus, mais a également profité de la souffrance palestinienne. La corruption au point de passage de Rafah est devenue un secret de Polichinelle, où des pots-de-vin garantissaient le passage des démunis. Au lieu d’aider Gaza, comme l’exigeraient la solidarité arabe et islamique, les politiques de Sissi ont aggravé leur situation, tout en prétendant avoir les mains propres.

Le comportement de Sissi s’inscrit dans une lignée de despotes qui diabolisent les victimes, se prétendent sauveurs et invoquent la sanction divine pour justifier leurs actions. Ses proclamations auto-satisfaites rappellent la prière d’Abu Jahl avant la bataille de Badr : « Ô Allah, détruis celui qui rompt les liens de parenté et nous apporte des actes inconnus.» Pourtant, même les adversaires d’Abu Jahl ont rapporté des exemples de son honneur et de sa magnanimité—des traits absents chez les tyrans modernes.

Le règne de Sissi est un témoignage de despotisme incontrôlé, où les effusions de sang et l’exploitation se déguisent en gouvernance. Ses prétentions à l’innocence s’effondrent sous le poids des preuves, laissant un héritage de brutalité gravé dans la mémoire des Égyptiens et au-delà.

Assad est parti, Sissi suit. L’inéluctabilité de l’histoire écrase toujours les tyrans sous le poids de leurs propres ombres.

Khaled Boulaziz