Le triomphe de la révolution syrienne, qui a renversé le régime génocidaire de Bachar al-Assad, demeure une page monumentale de l’histoire du pays – un témoignage de l’esprit indomptable d’un peuple refusant de se soumettre à l’oppression. Au cœur de ce bouleversement, l’architecte et écrivaine Marwa al-Sabouni a choisi de rester dans sa patrie, témoignant de la destruction et de la résilience de la Syrie. Son courage inébranlable, face à des années de violence indicible, donne un poids immense à The Battle for Home. (1)
Dans cet ouvrage remarquable, Marwa al-Sabouni critique les forces qui ont déchiré son pays, explorant comment des décennies de planification urbaine malavisée ont contribué aux divisions sociales. Mais son livre est bien plus qu’une plainte. C’est un manifeste pour le renouveau, offrant une vision pleine d’espoir pour l’avenir de la Syrie, fondée sur une architecture qui guérit, unit et restaure l’identité fracturée de son peuple. La voix de Marwa al-Sabouni – à la fois poétique et profonde – fait de The Battle for Home un témoignage émouvant sur le pouvoir de l’architecture et la résilience de l’esprit humain.
La bataille pour la maison de Marwa al-Sabouni : un mélange rare de critique architecturale, de mémoires personnelles et d’analyse sociopolitique, capturant l’âme d’une nation en plein bouleversement.
Ce n’est pas simplement un livre sur la Syrie ou son architecture ; c’est une exploration poignante de la manière dont les espaces que nous habitons nous façonnent, nous divisent, et, s’ils sont conçus avec soin, peuvent nous réunir.
À travers le prisme de sa ville natale, Homs – une cité dévastée par des années de guerre civile – Marwa al-Sabouni examine les forces profondes à l’œuvre dans la descente de la Syrie vers le chaos. Sa thèse centrale est à la fois simple et profonde : l’échec de la planification urbaine et de l’architecture à respecter l’identité historique de la Syrie n’a pas seulement détruit ses espaces physiques, mais aussi érodé la cohésion culturelle et sociale qui définissait autrefois ses communautés.
Un voyage à travers le paysage urbain syrien
Al-Sabouni commence son analyse par un vaste panorama des villes syriennes et de leur histoire architecturale. Elle décrit avec vivacité comment la conception urbaine islamique traditionnelle favorisait la coexistence, avec des rues étroites, des cours partagées et des communautés interconnectées qui nourrissaient un sentiment d’harmonie. Ces espaces étaient des lieux de tolérance, où musulmans et chrétiens, riches et pauvres, vivaient côte à côte dans un respect mutuel.
En contraste frappant, les interventions architecturales modernistes – impulsées par la corruption, les influences étrangères et des politiques mal avisées – ont introduit des tours en béton, de larges autoroutes et des développements déshumanisants qui divisaient plutôt qu’ils n’unissaient. Ces changements, selon elle, ont semé les graines de la déconnexion et de l’aliénation bien avant le déclenchement de la guerre. L’environnement physique est devenu le reflet de l’érosion morale et culturelle au sein de la société syrienne.
Homs sert de microcosme à cette transformation. Autrefois une ville vibrante avec un riche patrimoine architectural, elle a été soumise à des décennies de négligence, de planification mal conçue et, finalement, de destruction violente. Al-Sabouni offre un récit poignant de la manière dont des monuments tels que la mosquée Khalid Ibn al-Walid et l’église Sainte-Marie de la Ceinture sacrée – symboles d’unité et d’histoire partagée – sont devenus les victimes à la fois de la guerre et de l’abandon. Leur ruine incarne la perte plus large de l’identité et du sentiment d’appartenance.
L’architecture comme outil de division et de conflit
L’un des aspects les plus marquants du livre est l’exploration par Al-Sabouni de la manière dont la conception urbaine peut refléter et exacerber les divisions sociales. Elle détaille comment des quartiers mal planifiés comme Baba Amr à Homs sont devenus des foyers de troubles, leur isolement reflétant l’aliénation de leurs habitants. L’échec à créer des espaces inclusifs et fonctionnels a transformé ces zones en terrains propices au mécontentement et au conflit.
Elle critique également les paradigmes architecturaux mondiaux imposés aux villes syriennes, les comparant aux modèles austères d’Alger et de Dubaï. Les deux, selon elle, représentent des extrêmes des excès modernistes : les blocs brutalistes d’Alger effaçant la mémoire culturelle, et les tours scintillantes de Dubaï incarnant un matérialisme insoutenable. Aucun de ces modèles ne propose une vision pour des villes capables de soutenir et de guérir leurs habitants.
Une perspective personnelle et profonde
Ce qui distingue La bataille pour la maison des autres livres sur l’architecture ou le conflit syrien, c’est le récit profondément personnel d’Al-Sabouni. En tant que jeune architecte et mère, elle écrit non pas depuis la sécurité de l’exil, mais au milieu du chaos, offrant une perspective intime sur la destruction de sa ville et la résilience de ses habitants. Sa voix, à la fois analytique et poétique, tisse ses propres expériences de perte, d’espoir et de détermination dans sa critique plus large de l’urbanisme syrien.
Ses réflexions sur l’identité, la liberté et la communauté sont particulièrement poignantes. Elle décrit comment les échecs architecturaux de la Syrie reflètent ses échecs sociétaux : une déconnexion de son patrimoine, un manque de responsabilité et un accent mis sur le profit plutôt que sur les personnes. Pourtant, même en critiquant la dévastation qui l’entoure, elle offre une vision de renouveau – enracinée dans la redécouverte de l’identité culturelle et des principes de l’architecture traditionnelle.
Une leçon universelle d’urbanisme
La préface du philosophe Roger Scruton souligne la pertinence universelle du message d’Al-Sabouni. Scruton met en lumière comment les défis de la Syrie ne sont pas uniques, mais font partie d’une lutte mondiale pour réconcilier tradition et modernité. Le livre sert de mise en garde pour les urbanistes, architectes et décideurs du monde entier, rappelant l’impact profond que l’environnement bâti a sur le tissu social.
L’appel d’Al-Sabouni à un retour à une architecture qui respecte les lieux, l’histoire et les personnes n’est pas seulement une requête pour la Syrie, mais pour les villes du monde entier. Elle argumente de manière convaincante que la reconstruction d’une nation doit aller au-delà de la simple réédification de ses bâtiments ; elle doit guérir son identité et restaurer son sens du but.
Un message d’espoir au milieu des ruines
Malgré la gravité du sujet, La bataille pour la maison est avant tout un livre d’espoir. Al-Sabouni croit au pouvoir de l’architecture pour combler les divisions et reconstruire les communautés. Sa vision pour la Syrie est celle de la réconciliation, où les villes sont conçues non pas comme des monuments à la richesse ou au pouvoir, mais comme des espaces pour la coexistence et l’humanité.
Ce livre est à la fois un plaidoyer pour ce qui a été perdu et un manifeste pour ce qui peut être regagné. L’éloquence, la perspicacité et le courage d’Al-Sabouni font de La bataille pour la maison une lecture incontournable pour quiconque cherche à comprendre l’interaction complexe entre architecture, identité et société – non seulement en Syrie, mais dans le monde entier.
Khaled Boulaziz
(1) https://www.amazon.com/Battle-Home-Vision-Young-Architect/dp/0500343179