La Chute du clan Al Assad : Épilogue d’un règne de sang et de cendres

En évitant le sort de la Libye en 2011, la Syrie de Bachar al-Assad n’a fait que repousser l’inéluctable. La chute du régime dictatorial qui gouvernait le pays depuis les années 1970 n’était qu’une question de temps.

À l’aube du dimanche 8 décembre 2024, les forces rebelles ont investi Damas, à la faveur d’une offensive fulgurante déclenchée fin novembre, mettant fin à plus de cinq décennies de règne autoritaire.

Le sort de Bachar al-Assad et de sa famille demeure incertain. Selon les premières informations, il aurait pris la fuite dans la nuit. Reuters rapporte que son appareil se serait écrasé ce matin-là, alors qu’il tentait d’échapper à l’avancée des rebelles, qui ont pris le contrôle de l’aéroport de la capitale peu après.

Pendant treize ans, Assad avait la possibilité de s’épargner une telle fin et de sauver son pays des affres de la guerre. Pourtant, aveuglé par l’illusion du pouvoir absolu, il s’est accroché à un règne tribal et sectaire partagé avec la minorité alaouite dont il est issu. Le monde, cependant, a changé, et Assad n’a pas su évoluer avec lui, s’accrochant à un passé où les despotes pouvaient régner impunément.

Tout a commencé en 2011 par des manifestations pacifiques réclamant davantage de libertés et de dignité, violemment réprimées dans le sang. C’est l’essence même des régimes totalitaires : le tout ou rien, le pouvoir absolu ou le chaos. Mais le XXIe siècle prouve qu’aucune dictature, aussi enracinée soit-elle, ne peut échapper indéfiniment à la justice. Le cours de l’Histoire évolue, laissant derrière lui un monde où les tyrans n’ont plus leur place.

La plus grande erreur du régime syrien fut la mascarade de la succession de 2000. La Constitution syrienne stipulait que le président devait avoir au moins 40 ans. Pourtant, le Parlement, simple marionnette du pouvoir, s’est réuni en urgence pour abaisser cet âge à 36 ans, précisément celui de Bachar. Les constitutions ne sont pas des outils malléables au service des puissants, mais des gardiennes de la légitimité démocratique.

Ophtalmologue formé à Londres, Bachar al-Assad n’était pas destiné à régner. Son père, Hafez, avait préparé son fils aîné, Bassel, à lui succéder, mais la mort tragique de ce dernier dans un accident de voiture en 1994 força le régime à forcer le destin une seconde fois, transformant un pouvoir autocratique en dynastie.

Malgré le souffle révolutionnaire qui a balayé le monde arabe en 2010-2011, renversant Kadhafi en Libye, Ben Ali en Tunisie, Moubarak en Égypte et Saleh au Yémen, Assad a maintenu son régime grâce au soutien militaire de la Russie, de l’Iran et du Hezbollah. Mais même cette aide ne pouvait le protéger éternellement. L’ordre mondial change, porté par des aspirations universelles à la justice et aux droits de l’homme, où les dictatures ne trouvent plus leur place.

La Chute d’Assad : l’Avènement d’une Nouvelle Ère

Les centaines de milliers de morts au cours de la guerre syrienne alourdissent un bilan déjà marqué par plus d’un demi-siècle de répression systématique. L’un des massacres les plus marquants du régime demeure celui de Hama, en 1982, où jusqu’à 40 000 civils furent tués sous les ordres de Rifaat al-Assad, frère de Hafez, chargé de réprimer une révolte islamiste.

Le régime alaouite accumulait les rancunes au sein du peuple syrien, et le soutien de ses alliés étrangers ne suffisait plus face aux changements internationaux. Le conflit en Ukraine, qui a absorbé les ressources militaires russes, et l’affaiblissement du Hezbollah libanais et de son parrain iranien face à Israël, ont précipité la chute d’Assad.

Privée du soutien aérien russe, des milices du Hezbollah et des gardiens de la révolution iraniens, l’armée syrienne, minée par la corruption et les désertions, s’est effondrée en quelques jours. Les rebelles ont pris une à une les principales villes du pays, d’Alep à Damas, sans rencontrer de résistance, dans une débâcle rappelant la chute de Saddam Hussein en 2003.

Dans un monde désormais interconnecté, aucun dictateur ne peut échapper indéfiniment aux vents du changement. La chute du régime Assad témoigne de cette évolution historique. Mais si la dictature s’effondre, le défi de construire une Syrie nouvelle commence à peine.

L’opposition qui prend aujourd’hui le pouvoir est un conglomérat de factions armées aux intérêts divergents et soutiens étrangers multiples. Le défi pour les Syriens est immense : reconstruire une nation fracturée par la guerre et tracer un avenir qui ne répète pas les erreurs de la Libye post-Kadhafi.

Pour la communauté internationale, le moment est venu de reconnaître que l’époque des tyrannies sans fin touche à sa fin. Soutenir les Syriens dans leur quête de justice et de démocratie n’est pas seulement une obligation morale, mais une affirmation que le monde appartient désormais à ses peuples, et non à leurs oppresseurs.

Khaled Boulaziz