Les flammes de la liberté : 66 ans de la lueur du G.P.R.A dans la nuit Algérienne (*)

Si la France nous refuse la liberté, elle trouvera en face d’elle des hommes décidés à conquérir leurs droits par tous les moyens.

Ferhat Abbas, homme d’État Algérien

Cette année, nous célébrons le 66e anniversaire de la création du Gouvernement Provisoire de la République Algérienne (GPRA), véritable phare dans la longue et éprouvante guerre pour l’indépendance de l’Algérie (1954-1962). Ce gouvernement émergea au cœur de la lutte anti-coloniale menée par le Front de Libération Nationale (FLN). Fondé au Caire, en Égypte, le 19 septembre 1958, cet organe de résistance exilé a vu le jour quatre ans après le début du conflit, affirmant avec éclat la volonté des Algériens de s’émanciper du joug colonial français.

Ferhat Abbas, figure clé du nationalisme algérien, incarna ce tournant décisif. Ancien défenseur d’une solution politique face à l’intransigeance du système colonial français, Abbas fut conduit, par la désillusion, à rejoindre la lutte armée orchestrée par le FLN. Il devint ainsi le premier président du GPRA, élu en 1960. Cependant, en 1961, sa présidence déclina au profit de Benyoucef Benkhedda, qui conduira l’Algérie vers l’indépendance.

Le GPRA s’érigea en outil diplomatique et politique du FLN, agissant à la fois comme ambassadeur et instrument de reconnaissance internationale. Divers gouvernements arabes et africains, tels que le Maroc, la Tunisie, l’Égypte nassérienne, ainsi que le Pakistan, lui accordèrent une reconnaissance officielle. Installé à Tunis, son quartier général servit de point d’ancrage pour son réseau diplomatique étendu, actif dans les grandes capitales mondiales. Le GPRA s’efforçait alors de contrer les initiatives de Charles de Gaulle, notamment l’idée d’un référendum offrant à l’Algérie un statut d’autonomie au sein de la France.

Cependant, après la guerre, l’Algérie fut confrontée à une profonde crise interne. Le FLN, victorieux mais divisé, se scinda en factions rivales. Benkhedda, tenté de maintenir une autorité à Tizi Ouzou, échoua à fédérer les forces politiques et militaires. Ahmed Ben Bella, soutenu par l’Armée des Frontières, établit une base de pouvoir à Tlemcen dès juillet 1962. Le 9 septembre, son entrée dans Alger marqua un tournant décisif, mettant fin à la crise interne. À la fin de l’année 1962, le GPRA fut dissous, cédant la place à Ahmed Ben Bella, qui constitua un gouvernement rival, soutenu par le clan d’Oujda et dirigé par le Colonel Houari Boumédiène. Les derniers fidèles au GPRA et les forces armées loyales tentèrent de résister, mais furent balayés par des combats internes courts mais intenses. Un compromis, imposé par Boumédiène, vit l’intégration de plusieurs membres du GPRA dans un Bureau Politique élargi, et le GPRA s’éteignit définitivement. L’État algérien, sous la férule de Ben Bella, se structura alors comme un régime à parti unique, entériné par l’approbation populaire d’une constitution votée à 99,6 %.

La dissolution du GPRA mit fin à la continuité institutionnelle entre le gouvernement en exil et la nouvelle Algérie indépendante. Cette rupture ouvrit la voie à l’émergence d’une caste militaire influente, composée en partie d’anciens déserteurs de l’armée française, qui confisqua le pouvoir politique. Le GPRA, bien qu’ayant connu deux réformes majeures en 1960 et 1961, ne parvint pas à résister aux dynamiques de pouvoir qui structuraient alors le FLN. Ces réformes ministérielles, qui reflétaient les mutations internes du FLN, marquèrent la dernière phase de cette institution temporaire, avant qu’elle ne soit définitivement dissoute.

Le premier gouvernement (19 septembre 1958 – 18 janvier 1960) comprenait plusieurs personnalités clés :

  • Président du GPRA : Ferhat Abbas
  • Vice-président, Ministre des forces armées : Krim Belkacem
  • Vice-président, Ministre d’État : Ahmed Ben Bella (en prison)
  • Ministre d’État : Hocine Aït Ahmed (en prison)
  • Ministre d’État : Mohamed Boudiaf (en prison)
  • Ministre d’État : Mohamed Khider (en prison)
  • Ministre d’État : Rabah Bitat (en prison)
  • Ministre des Affaires extérieures : Mohamed Lamine Debaghine (démissionne le 15 mars 1959)
  • Ministre de l’Armement et du Ravitaillement : Mahmoud Cherif
  • Ministre de l’Intérieur : Lakhdar Bentobal
  • Ministre des Liaisons générales et Communications : Abdelhafid Boussouf
  • Ministre des Affaires nord-africaines : Abdelhamid Mehri
  • Ministre des Affaires économiques et des Finances : Ahmed Francis
  • Ministre de l’Information : M’Hamed Yazid
  • Ministre des Affaires sociales : Benyoucef Benkhedda
  • Ministre des Affaires culturelles : Ahmed Taoufik El Madani
  • Secrétaire d’État : Lamine Khene
  • Secrétaire d’État : Omar Oussedik
  • Secrétaire d’État : Mostefa Stambouli

Soixante-six ans après la création du GPRA, l’Algérie continue de chercher à construire un État-nation stable et unifié, une ambition noble entravée par l’emprise d’une élite militaire ayant accaparé le pouvoir dès l’indépendance. Le rêve d’une Algérie indépendante, porté par le sacrifice de milliers de combattants durant la guerre d’indépendance, reste vivace. Toutefois, la voie vers un État démocratique, égalitaire et prospère est restée sinueuse, souvent bloquée par un pouvoir centralisé et opaque, tenu par une élite militaire.

Malgré les obstacles, l’Algérie a vu émerger une société civile dynamique, et des mouvements populaires, comme le Hirak de 2019, ont témoigné de la volonté du peuple algérien de réclamer des réformes démocratiques et une meilleure gouvernance. Alors que le pays commémore les 66 ans du GPRA, il est temps de tirer les leçons du passé et d’ouvrir une nouvelle page de l’histoire, où les aspirations démocratiques du peuple algérien pourront s’épanouir pleinement.

Khaled Boulaziz

(*) Cet article est dédié à ceux qui, portés par des rêves ardents et une ferveur sans limite, ont lutté pour que les dirigeants de l’Algérie libre incarnent la grandeur du premier GPRA. Un hommage particulier est rendu à mon père défunt, Abdelkader Boulaziz, dont l’esprit continue de briller à travers cette quête de liberté.