Vous les usurpateurs de la dignité du peuple algérien ! Vous pouvez continuer avec vos barrages, vous allez être balayés par ce ressentiment, balayés à la serpillière.
Dans l’atmosphère crépusculaire de l’Algérie contemporaine, la scène politique semble non seulement figée, mais presque pétrifiée, comme si elle s’était fossilisée dans un passé révolu. Ce n’est pas là une simple métaphore : le régime semble s’être glacé dans une rigidité cadavérique, se contentant de survivre dans une forme mécanique, vidé de toute substance idéologique ou de projet de renouveau. L’observateur attentif ne peut qu’être frappé par l’abîme politique qui s’est creusé — un vide vertigineux d’idées, d’alternatives et d’ambitions. Le paysage politique est dominé par des luttes internes opaques, presque fantomatiques, où les acteurs s’agitent dans les coulisses d’un théâtre devenu insaisissable, à peine perceptible au sommet de l’État. L’Algérie se présente comme une anomalie dans une région tourmentée par le changement, où ailleurs des régimes s’effondrent, laissant place à de nouvelles dynamiques politiques. Ici, le statu quo règne en maître absolu.
Loin du chaos de la guerre civile en Syrie, loin de l’effondrement de la Libye, où des milices surarmées déchirent le pays, et loin de la terreur djihadiste qui ravage l’Irak, l’Algérie semble enveloppée dans une quiétude trompeuse. Cette tranquillité apparente masque en réalité une paralysie politique profonde. Le 7 septembre 2024, cette stagnation trouve son expression la plus grotesque dans la réélection de Tebboune, un président à l’agonie, absent de la scène publique pendant la majeure partie de son mandat, mais pourtant reconduit à la tête de l’État dans une parodie d’élection. À 78 ans, Tebboune, plus fantôme que leader, devient la figure pathétique d’une politique qui refuse de mourir, se perpétuant dans une mécanique de pouvoir sans fin. Cette mascarade, où d’autres font campagne en son nom, symbolise la vacuité d’un système où même la dissidence est étouffée avant de pouvoir s’exprimer, alors que la communauté internationale, dictée par les impératifs froids de la realpolitik, détourne les yeux.
Même la Tunisie voisine, sous la houlette d’un dictateur de la même trempe, semble emprunter un chemin similaire. La chute d’un tyran n’aura offert qu’une brève et éphémère parenthèse d’espoir démocratique, vite refermée. L’émergence d’une véritable pluralité politique, si souvent promise, tarde à se concrétiser, et ce qui devait être une ouverture vers un renouveau pluraliste n’a accouché que d’une nouvelle forme d’autoritarisme dissimulée sous des apparences trompeuses.
Sous la surface de cette Algérie en apparence immobile, couve pourtant une révolte sourde. Ce calme, qualifié par les autorités d’« exception algérienne », est en réalité un calme forcé, imposé par un pouvoir autoritaire face à une société en rupture totale avec ses gouvernants. Les immolations, les grèves de la faim, les manifestations sporadiques et les actes de désespoir sont autant de signes d’un mécontentement populaire qui ne cesse de croître, malgré les efforts du régime pour étouffer toute forme de contestation. L’injustice, l’explosion des inégalités, la corruption omniprésente, tout cela alimente un ressentiment qui pourrait, à tout moment, exploser de manière incontrôlable.
Les ingrédients d’une crise sociale majeure sont réunis : un chômage massif, des disparités de revenus abyssales, une jeunesse désabusée et sans perspective d’avenir. Loin de refléter une véritable stabilité, la situation actuelle est le masque d’un État au bord de l’effondrement, incapable de répondre aux attentes d’une population de plus en plus désillusionnée. Dans cette Algérie en état de mort-vivant, où le pouvoir n’est plus qu’une coquille vide, l’impossible relève devient non pas une utopie, mais une nécessité tragique. Comme l’histoire l’a souvent montré, ces régimes qui se croient éternels finissent par s’effondrer sous le poids de leur propre inertie. L’Algérie, dans sa stagnation, semble destinée à une chute inéluctable, précipitée non pas par une révolution, mais par la pourriture interne d’un système arrivé à bout de souffle.
Khaled Boulaziz