Algérie : Le défi de la réconciliation entre le politique et le militaire

M. Mouloud Hamrouche a résumé en une phrase la situation économique de l’Algérie : le bien-être matériel du pays dépend de deux facteurs majeurs, le prix du baril de pétrole et le taux de pluviométrie.

Cette problématique est avant tout technique, et sa solution relève également de la technique, contrairement à une autre question plus complexe et plus difficile à résoudre : l’éternelle dialectique entre le pouvoir politique et militaire.

Bien que, selon certains, cette question ait trouvé sa réponse dans le célèbre principe d’Abbane Ramdane affirmant la primauté du politique sur le militaire, il reste néanmoins un travail intellectuel à mener pour concevoir les outils nécessaires à l’application concrète de ce principe.

À l’indépendance de l’Algérie, bien que le territoire ait été libéré, cette victoire a, en réalité, consacré la domination de certains et la soumission des autres, sous une emprise militaire qui s’est maintenue jusqu’à aujourd’hui, et ce au détriment du pouvoir politique.

Le pouvoir, en tant que relation, n’existe que par l’action et détermine les éléments sur lesquels il s’exerce. Il repose sur une domination fondée sur des procédures concrètes produisant leurs propres effets de vérité.

Fort de sa légitimité révolutionnaire, le nouveau pouvoir algérien a étouffé toute tentative de contestation de son discours officiel (les fameux « effets de vérité »). Cela a abouti non pas à la naissance de citoyens libres, mais à la fabrication de sujets obéissants.

Aujourd’hui, l’Éveil National pose cette question avec acuité, et ses représentants espèrent, par le bras de fer entamé le 22 février, contraindre l’autre partie à accepter des concessions structurelles sur la configuration actuelle du pouvoir.

Dans cet affrontement, quelles sont les chances de succès de l’Éveil National ? Est-il capable de remettre en cause certaines « certitudes historiques », là où le FIS a échoué avec les conséquences que l’on connaît ?

Répondre à cette question cruciale implique de réfléchir à la genèse anthropologique et sociale du pouvoir en Algérie depuis au moins la moitié du siècle dernier.

Le fil conducteur de cette réflexion serait que, si « l’histoire normalisée de l’Algérie » a toujours été marquée par un conflit opposant d’une part une histoire codifiée et intégrée à la domination, et d’autre part une histoire comme « conscience des sujets en lutte » propre à la résistance, après l’indépendance et à la faveur de la libre parole, ce champ conflictuel aurait dû évoluer vers un paradigme de négociation. Ce dernier, encadré par des institutions, permettrait une reconfiguration consensuelle du pouvoir à la lumière de l’impératif moral du vivre-ensemble.

En résumé, dans cette Algérie en quête de renouveau, et face au rendez-vous fixé par l’Éveil National, le politique et le militaire ont l’opportunité unique de transcender l’histoire, d’échapper aux conflits et aux rapports de force pour créer un espace de réconciliation, où seul le savoir — tant historique qu’approfondi — servirait d’argument essentiel. Cela permettrait à l’Algérie d’entrer dans une ère de modération.

Dans toutes les sociétés apaisées, le politique et le militaire ne s’excluent jamais mutuellement, mais évoluent dans un modus vivendi, garant de l’impératif moral du vivre-ensemble.

Khaled Boulaziz