Ceux qui l’ont ramené l’ont tué.
Slogan scandé par le peuple algérien lors des funérailles de Mohamed Boudiaf
Les relations entre l’Algérie et la France, empreintes de complexité et de tensions historiques, ont été marquées par de nombreuses figures, parmi lesquelles Mohamed Boudiaf et François Mitterrand. Depuis la prise d’Alger par l’armée française en 1830, des hommes, des deux cotés de la rive, ont influencé des dynamiques politiques profondes, bien au-delà des apparences médiatiques. Deux événements cruciaux illustrent cette intersection : le déclenchement de la guerre d’indépendance algérienne le 1ᵉʳ novembre 1954 et l’assassinat de l’un de ses précurseurs le 29 juin 1992.
Mohamed Boudiaf, figure fougueuse du mouvement nationaliste algérien, se distingua par son engagement fervent après les massacres de Sétif en 1945. Actif au sein du Parti du peuple algérien (PPA) puis du Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD), il joua un rôle clé dans la formation de l’Organisation spéciale (OS) et prépara méthodiquement la lutte armée contre la domination coloniale française.
Le 1ᵉʳ novembre 1954, Boudiaf et ses camarades déclenchent la guerre d’indépendance avec une série d’attaques synchronisées contre les intérêts français en Algérie. Cet événement catalyse un conflit violent, culminant en 1962 avec la signature des accords d’Évian et l’indépendance de l’Algérie.
François Mitterrand, alors ministre de l’Intérieur, adopte une approche implacable envers le mouvement nationaliste algérien. Le 12 novembre 1954, il déclare à l’Assemblée nationale que la rébellion algérienne ne peut se terminer que par la guerre, affirmant ainsi l’indivisibilité du territoire français et justifiant les mesures répressives contre les insurgés.
Sous son ministère, la répression est féroce, marquée par des actes de torture, des exécutions sommaires et des opérations militaires visant à écraser les combattants algériens. Cette période souligne la rigidité de la position française face à la perte de ses colonies.
La guerre d’indépendance algérienne est une période de violences extrêmes, marquée par des méthodes répressives françaises et des tactiques de guérilla. Les pertes humaines sont massives et la fracture au sein de la société française est profonde. La signature des accords d’Évian en 1962 marque le début de l’indépendance algérienne, mais laisse des cicatrices indélébiles.
Après l’indépendance, Boudiaf se heurte aux premiers régimes algériens, notamment celui d’Ahmed Ben Bella, qu’il accuse d’autoritarisme. En 1963, il est emprisonné puis contraint à l’exil au Maroc, où il passe près de trois décennies à critiquer les dérives du pouvoir algérien et à prôner des réformes démocratiques.
En 1992, alors que l’Algérie est en crise, Boudiaf est rappelé par les militaires pour prendre la présidence de l’État algérien. Nommé président du Haut Comité d’État, il tente de mettre en œuvre des réformes en faisant face au pouvoir réel et à sa mafia politico-financière, mais est assassiné le 29 juin 1992 à Annaba. Ce meurtre suscite de nombreuses interrogations quant aux motivations et aux acteurs impliqués.
En tant que Président de la République française, François Mitterrand joue un rôle controversé dans les événements politiques en Algérie au début des années 1990. Le 11 janvier 1992, il soutient l’arrêt du processus électoral en Algérie pour empêcher le Front Islamique du Salut (FIS) de prendre le pouvoir après une victoire écrasante au premier tour des élections législatives.
L’assassinat de Boudiaf ne saurait être considéré comme une affaire purement algérienne, tant les liens entre les généraux algériens et la France de Mitterrand sont étroits. Ces relations complexes soulignent l’intrication des intérêts et des influences entre les deux pays et ajoutent une couche de complexité à la compréhension de cet assassinat politique.
Mohamed Boudiaf est vénéré en Algérie comme un héros national, sacrifiant sa vie pour l’indépendance et la démocratie. Son assassinat demeure un rappel des défis persistants en matière de gouvernance et de stabilité politique.
François Mitterrand sera à jamais associé aux terribles exactions commises durant la guerre d’Alger. Il sera aussi pour son rôle dans le soutien à l’arrêt du processus électoral de 1992.
François Mitterrand, alors ministre de l’Intérieur, se trouvait à la croisée des chemins lorsque la révolution algérienne éclata, refusant obstinément de céder à l’idée de l’indépendance algérienne. Les flammes de la révolte éclairaient ses nuits, éveillant en lui une détermination froide et implacable.
Dans ce tumulte, Mohamed Boudiaf émergeait comme un phare de la révolution, une figure indomptable dont le nom résonnait dans les ruelles et les montagnes d’une Algérie en quête de liberté. Reconnu comme l’un des grands leaders, son retour au pouvoir en 1992 portait l’espoir d’un renouveau. Cependant, son ambition d’émanciper l’État des griffes des généraux déserteurs de l’armée française fit naître des craintes profondes. Pour la France, qui voyait ses intérêts géopolitiques menacés, Boudiaf devenait un ennemi à abattre.
La disparition brutale de Mohamed Boudiaf, un jour funeste de juin 1992, résonna comme un coup de tonnerre dans le ciel algérien. Les questions se multiplièrent, les théories s’entremêlèrent, et les soupçons s’étendirent jusqu’à François Mitterrand et son conseiller Jacques Attali. Accusés d’avoir sanctionné ce complot en collaboration avec les déserteurs de l’armée française, ils étaient pointés du doigt par le peuple algérien comme les orchestrateurs de ce meurtre déguisé en acte isolé.
Le mystère entourant cette mort tragique alimenta les spéculations. Était-ce un acte de préservation des intérêts français, une machination savamment élaborée pour écarter un obstacle majeur ? Les réponses se perdaient dans les méandres de la politique et des jeux de pouvoir, laissant derrière elles une trace indélébile sur le destin de la nation algérienne.
Cet assassinat n’était que le prélude à une guerre atroce, un déchaînement de violence par massacres qui allait plonger le peuple algérien dans un abîme de douleur et de sang. Les années qui suivirent furent marquées par une barbarie inouïe, une déferlante impitoyable qui fit 250 000 morts. L’assassinat de Boudiaf et la guerre civile en Algérie furent, en quelque sorte, la vengeance de Mitterrand sur le 1ᵉʳ novembre 1954, une réponse implacable et tragique aux premières lueurs de la révolution.
Un jour, la vérité éclatera avec la force d’un lever de soleil radieux, dissipant les ombres et les mensonges qui ont obscurci l’horizon pendant trop longtemps. Alors, les Algériens, avec une nouvelle clarté, comprendront que ceux qui, hier encore, les ont enchaînés et persécutés, ne peuvent prétendre être leurs amis dans le présent. Cette révélation viendra comme un fleuve tumultueux, emportant les illusions et les faux-semblants, et dans son sillage, une conscience éveillée émergera. Le peuple algérien se lèvera, unifié, dans la connaissance que les ennemis d’hier, marqués par la haine et l’oppression, ne peuvent se métamorphoser en alliés sincères du jour au lendemain. Ce jour-là, le voile de la tromperie sera arraché, et une ère de discernement et de vérité s’ouvrira pour la nation, guidée par la mémoire des luttes passées et la promesse d’un avenir libéré de la duplicité.
Khaled Boulaziz