L’Algérie : D’ancien grenier de l’Europe à la quête d’indépendance alimentaire

Introduction

L’Algérie, pays aux terres fertiles et aux hommes valeureux, a longtemps été considérée comme la corbeille alimentaire de l’Europe. Ce rôle, forgé à travers les siècles, trouve ses racines dans l’époque de la grande Rome jusqu’à l’ère de Napoléon. Cependant, l’Algérie d’aujourd’hui, malgré ses richesses naturelles, se voit contrainte de quémander argent et expertise auprès du Qatar et de l’Italie pour nourrir sa population. Comment un pays doté d’un potentiel agricole si immense en est-il arrivé à cette situation ? Cet article explore l’histoire agricole de l’Algérie, ses défis actuels, et les raisons sous-jacentes de cette dépendance étrangère.

Une histoire agricole millénaire

L’Algérie romaine : grenier de Rome

Pendant l’Antiquité, l’Algérie, alors partie intégrante de l’Empire romain, était l’un des principaux fournisseurs de céréales de Rome. La fertile région de Numidie et ses vastes plaines produisaient des quantités considérables de blé, assurant la subsistance de l’armée et de la population romaine. Les techniques agricoles romaines, introduites et perfectionnées par les populations locales, ont permis une production durable et abondante.

De Napoléon à la colonisation française

L’importance stratégique de l’Algérie en tant que source de nourriture se poursuit jusqu’à l’époque napoléonienne. Au début du XIXe siècle, la France coloniale reconnaît également le potentiel agricole de l’Algérie. Sous la colonisation française, des réformes agraires sont mises en place, visant à maximiser la production agricole pour répondre aux besoins métropolitains. Les colons introduisent de nouvelles techniques de culture et investissent dans l’infrastructure agricole, augmentant encore la productivité des terres algériennes.

Destruction systématique et autogestion catastrophique

Colonisation : destruction des structures tribales

La colonisation française a également apporté son lot de destruction. Les structures tribales traditionnelles, qui jouaient un rôle clé dans la gestion des terres et la production agricole, ont été systématiquement démantelées. Cette déstructuration a profondément perturbé l’organisation sociale et économique locale, créant des fractures qui subsistent encore aujourd’hui.

Indépendance : autogestion et révolution agraire utopique

Après l’indépendance en 1962, l’Algérie a entrepris des réformes radicales pour réorganiser son secteur agricole. L’autogestion, une politique où les travailleurs prenaient le contrôle des moyens de production, a été mise en œuvre avec l’intention de libérer le potentiel agricole du pays. Cependant, cette approche s’est révélée catastrophique. Manque de formation, absence de vision claire et inefficacité administrative ont conduit à une chute de la productivité.

La révolution agraire, lancée dans les années 1970, visait à redistribuer les terres et moderniser l’agriculture. Malheureusement, cette initiative utopique n’a pas réussi à résoudre les problèmes structurels et a souvent aggravé la situation. Les terres redistribuées n’ont pas été exploitées de manière optimale, et les investissements nécessaires en infrastructures et en technologies n’ont pas été réalisés.

Les défis modernes de l’agriculture algérienne

Dépendance alimentaire et importations

Malgré cette riche histoire agricole, l’Algérie contemporaine se trouve dans une position paradoxale de dépendance alimentaire. Le pays importe environ 70 % de ses besoins alimentaires, y compris des produits de base comme le blé et les légumes. Cette dépendance expose le pays aux fluctuations des prix mondiaux et aux incertitudes politiques des pays fournisseurs.

Dégradation des terres et changement climatique

L’un des principaux défis auxquels fait face l’agriculture algérienne est la dégradation des terres. L’urbanisation rapide, l’exploitation intensive et le changement climatique contribuent à la diminution de la surface cultivable. Les sécheresses récurrentes, exacerbées par le réchauffement climatique, affectent gravement la production agricole, rendant l’auto-suffisance encore plus difficile à atteindre.

L’illusion de l’apport de la coopération étrangère

L’Italie et le Qatar : partenaires inattendus

Face à ces défis, l’Algérie cherche de l’aide extérieure pour revitaliser son secteur agricole. Un exemple notable est le récent projet de 400 millions d’euros lancé par l’entreprise italienne BF. Ce projet, situé dans la région de Sétif, vise à moderniser les infrastructures agricoles, introduire des techniques de culture avancées et augmenter la production de céréales.

Ce partenariat avec l’Italie souligne la reconnaissance par l’Algérie de la nécessité de moderniser son agriculture pour répondre aux besoins croissants de sa population. De même, le Qatar a investi dans des projets agricoles en Algérie, offrant à la fois des financements et une expertise technique.

Opportunités et risques

Si ces collaborations offrent des opportunités significatives pour l’Algérie, elles comportent également des risques. La dépendance accrue vis-à-vis des investisseurs étrangers pourrait limiter la souveraineté agricole du pays et exposer son secteur agricole aux intérêts et fluctuations internationales. De plus, l’introduction de nouvelles technologies et pratiques agricoles doit être soigneusement gérée pour éviter des conséquences environnementales imprévues.

La caste militariste et la stagnation économique

Un pouvoir concentré

La stagnation économique et agricole de l’Algérie est en partie due à la concentration du pouvoir entre les mains d’une élite militariste. Depuis l’indépendance en 1962, l’armée joue un rôle central dans la politique et l’économie du pays. Ce contrôle étroit empêche le développement d’une économie diversifiée et dynamique, nécessaire pour stimuler l’innovation et l’efficacité dans le secteur agricole.

L’élimination des forces politiques et économiques

Cette élite militariste a historiquement éliminé ou marginalisé les forces politiques et économiques capables de défier son pouvoir. La répression des mouvements politiques, la corruption et le clientélisme étouffent l’initiative privée et l’innovation. En conséquence, les réformes nécessaires pour moderniser l’agriculture et rendre le pays autosuffisant sont souvent retardées ou mal mises en œuvre.

Vers une renaissance agricole ?

Le rôle des réformes

Pour que l’Algérie retrouve son statut de corbeille alimentaire, des réformes profondes et structurelles sont nécessaires. Cela inclut la décentralisation du pouvoir, la promotion de l’initiative privée, et l’investissement dans la recherche et le développement agricoles. Encourager la participation des jeunes et des femmes dans l’agriculture, ainsi que promouvoir l’agroécologie et les pratiques durables, sont également essentiels pour garantir un avenir agricole prospère.

L’importance de la coopération internationale

Bien que l’intervention étrangère soit un outil précieux, l’Algérie doit également développer ses propres capacités pour devenir autosuffisante. Les partenariats internationaux doivent être équilibrés avec des politiques nationales visant à renforcer les compétences locales, à protéger les ressources naturelles et à assurer la sécurité alimentaire. D’abord, il faut compter sur les forces nationales, ensuite chercher une intégration dans le Grand Maghreb, qui tarde à se réaliser. Tout cela est évident pour ceux qui honorent leur pays, mais est un véritable danger pour la caste et ses clients et protecteurs.

L’eldorado saharien : le mirage du projet El-Paso

Cet eldorado saharien que le pouvoir promet à chaque crise n’est pas nouveau. Il suffit de se rappeler le projet El-Paso des années 1970, censé transformer le Sahara en une région agricole prospère. Cependant, ce projet tarde à livrer tous ses secrets au vu de son annulation sans aucune explication. L’exploitation des ressources sahariennes reste une promesse lointaine, souvent évoquée, mais rarement concrétisée.

Conclusion

L’Algérie possède un potentiel agricole immense, hérité de siècles de traditions et de savoir-faire. Cependant, pour redevenir la corbeille alimentaire de l’Europe et assurer sa propre sécurité alimentaire, le pays doit surmonter les défis actuels de dépendance, de dégradation des terres et de gouvernance centralisée. Avant même d’entamer des réformes économiques, il est impératif que les élites algériennes accèdent au pouvoir aujourd’hui détenu par une caste militariste. Cette condition fondamentale est nécessaire pour tout changement significatif. Ce n’est qu’en libérant le pouvoir des mains de cette élite militariste que des réformes profondes et structurelles pourront être mises en place, permettant ainsi au pays de réaliser pleinement son potentiel agricole et de nourrir sa population de manière durable et autonome.

Khaled Boulaziz