Centenaire de la naissance du Che

Dans la quête révolutionnaire, l’individu devient le pivot, l’essence même de notre lutte. La révolution, loin de formater la volonté et l’action collectives, célèbre l’éclosion des potentiels individuels, libérant ainsi les capacités humaines de leur carcan.

Che Guevara – Révolutionnaire Cubain 

Il y a presque un siècle, naissait celui que nous honorons aujourd’hui comme le Che. Figure emblématique, révolutionnaire parmi les plus marquants du vingtième siècle, il fut arraché à la vie en pleine fleur de l’âge, à seulement 39 ans.

Sa disparition tragique ponctuait un cheminement d’abord intellectuel, dessinant les contours d’un modèle sociétal où la matérialité devait s’accorder à une conscience révolutionnaire, et où la moralité se faisait étendard.

Le combat inlassable du Che reste plus que jamais d’actualité. Sa vision, forgée dans les feux de la pensée révolutionnaire, continue de guider ceux et celles qui aspirent à une transformation profonde.

Bien que maints aspects de son œuvre appellent encore à être approfondis, l’élan qui animait son esprit, au-delà des considérations économiques, résidait dans la conviction que la justice sociale ne peut s’épanouir qu’au sein d’une alternative empreinte d’humanité, reniant les valeurs de l’individualisme et de la compétition acharnée, si caractéristiques du capitalisme et de ses laquais.

Depuis toujours, le rapport des puissants à l’argent a été une source de maux, leur consentement à son règne sur les êtres et les sociétés engendrant crises sur crises, occultant ainsi leur origine profonde, ancrée dans une crise anthropologique.

L’adoration du veau d’or a pris de nouvelles formes, plus impitoyables encore, dans le culte de l’argent-roi, dans la dictature d’une économie sans visage, sans finalité humaine véritable.

La crise actuelle du capitalisme, dans son avatar néolibéral, met en lumière ses failles béantes, révélant surtout son défaut d’orientation anthropologique, réduisant l’homme à sa seule fonction de consommateur.

Pire encore, l’être humain lui-même est désormais considéré comme une marchandise, à user et jeter selon les caprices du marché. Cette décadence touche à la fois l’individu et la société, promue par une idéologie délétère.

Tandis que les coffres d’une minorité débordent de richesses, la majorité s’appauvrit. Ce déséquilibre résulte des dogmes prônant la toute-puissance de l’argent et la spéculation financière, privant ainsi les États de leur devoir de veiller au bien commun.

Émerge alors une nouvelle classe tyrannique, sans frontières, imposant ses lois arbitraires, sa soif de pouvoir et de possession n’ayant plus de limites.

Pour le Che, la lutte pour la justice sociale ne saurait être dissociée de valeurs morales, se dressant contre les conceptions purement économiques héritées de Marx et de ses épigones, focalisées uniquement sur le développement des forces productives, au détriment de la conscience humaine.

Il dénonce implicitement le manque de conscience du manifeste socialiste, prônant une lutte conjointe contre la pauvreté matérielle et spirituelle, contre l’angoisse existentielle primordiale : le sens de l’effort humain.

Si la justice sociale se détache de la conscience, elle se réduit à une simple redistribution de richesses, dénuée de toute portée révolutionnaire.

Si le socialisme prétend combattre le capitalisme sur son propre terrain, celui de la productivité et de la consommation, en utilisant ses propres armes, l’individualisme et l’accaparement du pouvoir politique par une élite, alors cette lutte est vouée à l’échec.

Pour le Che, la lutte pour la justice sociale représente un projet historique, une construction d’une nouvelle société fondée sur des valeurs d’égalité, de solidarité, de collectivisme, d’altruisme révolutionnaire, de liberté de pensée et de participation populaire, unissant matérialisme et spiritualité dans une quête commune.

Dans son discours mémorable à Alger en 1965, Ernesto Guevara enjoint les nations socialistes à rompre leur complicité avec les exploiteurs occidentaux, appelant à une solidarité mondiale contre l’impérialisme.

La justice sociale, selon lui, ne peut éclore qu’avec une conscience nouvelle, une fraternité universelle envers toute l’humanité, défiant ainsi l’oppression impérialiste sous toutes ses formes, y compris celle d’une élite capitaliste aux relents racistes, aspirant à dominer le monde entier.

Dans de nombreux aspects, la démarche du Che demeure pertinente, un phare pour tous ceux et celles qui aspirent à un monde meilleur, défiant l’hégémonie d’une élite dévoyée.

Ernesto Che Guevara a tracé la voie vers un monde différent, réalisable. Il incombe à chaque homme et chaque femme de bonne volonté de relever le défi moral pour concrétiser cette vision.

Même disparu, son message résonne encore, ses paroles prophétiques gravées à jamais dans la conscience humaine : « Vous me demandez ce qui me pousse à l’action ? C’est la volonté de me tenir aux côtés de tous ceux qui se révoltent contre l’humiliation, d’être présent, toujours et partout, aux côtés des humiliés en armes.« 

À cette époque, la gauche marocaine trouva refuge à Alger, dans la figure de Mehdi Ben Barka, qui s’était fermement opposé à la guerre des Sables en 1963. Ainsi Alger continue à soutenir divers mouvements, notamment sahraouis et palestiniens, témoignant ainsi de son engagement persistant envers les luttes justes. Car tourner le dos à ce passé révolutionnaire serait trahir l’âme même de la nation, renoncer à son identité forgée dans le feu de la lutte pour la justice sociale et la dignité humaine.

Khaled Boulaziz