Au cœur des dépêches qui déferlent chaque jour, là où les journalistes de tous bords narrent des résistances héroïques, un silence fourbe s’est embusqué, à l’abri des événements qui ensanglantent Gaza. Cette tragédie, accentuée par la félonie et la veulerie, laissera des cicatrices indélébiles dans la mémoire collective.
Jusqu’à l’instant précis où ces mots sont écrits, pas la moindre déclaration de sa part condamnant sans équivoque les crimes contre l’humanité commis à l’encontre des Palestiniens.
Benjamin Stora, qui s’est hissé sournoisement au rang d’autorité historique, s’est autoinvesti qui plus est d’une mission de réconciliation entre les Algériens et les Français. À y voir de près, sa prétendue noble tâche semble destinée à apaiser les plaies du passé, à ériger des passerelles entre les communautés et à restituer la voix à ceux que l’Histoire a évincés. Pourtant, derrière ce masque d’intentions vertueuses se cache un vil paradoxe : son aphasie assourdissante face aux brutalités sans commune mesure subies par les Palestiniens.
Chaque jour que Dieu fait, les journaux du monde, dont les pages sont imbibées de sang, dévoilent des épisodes atroces d’une nation meurtrie et victime d’une guerre aussi génocidaire que celle endurée par la nation algérienne. Les terres ancestrales des Palestiniens servent désormais de scène à un drame sans équivalent, un ethnocide monumental dissimulé sous le manteau d’une victimologie régurgitée, érigée en dogme et d’un chimérique destin manifeste.
Alors que d’éminents intellectuels ont vilipendé l’entité sioniste pour son agression criminelle ; on peut citer à cet effet l’appel courageux de Norman Finkelstein, une ode mémorielle aux martyrs de Gaza (1), l’apôtre de la conciliation des mémoires élit curieusement le chemin du silence. Comment peut-on prétendre œuvrer à une réconciliation supposée être animée par une commisération universelle tout en détournant délibérément son regard des cris étouffés de ceux dont l’Histoire est brutalement malmenée, décimée, effacée, là-devant nous et dans des directs sans concession ?
Sa réconciliation, beuglée à tue-tête, a failli dans son essence, en se gardant de dénoncer ce sionisme génocidaire pratiqué par coreligionnaires, de dire la vérité là où elle doit l’être, et de condamner sans quiproquo les meurtres d’enfants, de femmes et de vieillards. Ainsi, ce silence devient une ignominie perverse, accrue d’une trahison abjecte à la responsabilité considérée de l’historien.
La nation algérienne qui rejeta cette réconciliation-mystification tout au début se trouve par ses manquements gravissimes de ledit-historien conforté aujourd’hui dans sa décision et rien ne lui fera changer de position à cet égard.
Silence odieux et parti incontestablement pris, cette posture à l’encontre du génocide en cours à Gaza dévoile la véritable nature de cette collusion mémorielle entre l’Algérie et la France, suintant les relents pestilentiels et nauséabonds d’une Pax Judaica.
Une Pax Judaica qui, à mesure qu’elle se divulgue, révèle les stigmates d’un mercantilisme intellectuel travesti en humanisme ; tout cela pour redonner, au fil du temps et à travers une stratégie graduelle, une nouvelle virginité à ceux que le décret Crémieux a choyés de la nationalité française en récompense de services rendus pendant la colonisation.
Plus que jamais, l’écriture de l’Histoire s’est muée en un art falsificateur, minutieusement orchestré par ceux qui se cachent derrière les masques de l’infamie. Benjamin Stora, tel un funambule égaré dans les méandres de sa mutité face au supplice des Palestiniens, aurait dû, au milieu de cette actualité tourmentée, simplement par attirance, rester dans son carré d’aisance, plutôt que de se pavaner à Constantine (2), arborant tel un totem sa réconciliation-tartufferie de potiche.
Ce projet mémoriel mort-né, la conscience collective de la nation algérienne l’a honni dès le départ, nonobstant les agitations boulimiques dans les sphères académiques du susdit historien, ses régurgitations sur les plateaux audiovisuels et ses incursions chorégraphiées et carillonnées à l’Élysée, bariolées par ses incongrues escapades en catimini en Algérie.
Khaled Boulaziz