Téhéran, fossoyeur des révoltes arabes : du mythe de la résistance à l’empire du chaos

Le cœur du mensonge : Israël et l’Iran, faux ennemis, vrais stratèges.
Sirènes hurlantes dans les airs de Mésopotamie. Frappes ciblées, discours enflammés, menaces existentielles. Mais rien n’est neuf sous le ciel du Moyen-Orient.
Aujourd’hui, tandis que grondent les tambours d’une confrontation ouverte entre Israël et le régime iranien, il est impératif de garder la tête froide et le regard lucide. L’agression israélienne actuelle contre l’Iran — aussi réelle et meurtrière soit-elle — ne saurait en aucun cas être présentée comme un acte de justice morale. Ce n’est pas le combat des peuples pour leur dignité, ni un sursaut éthique de l’Occident ou de Tel‑Aviv face à un régime oppressif ; c’est un affrontement de logiques impériales, l’expression de deux États cyniques déployant leur arsenal pour asseoir leur hégémonie.

Ce conflit n’a rien de libérateur : il s’agit d’une guerre d’intérêts entre deux puissances régionales brutales, dont les peuples — iraniens, syriens, palestiniens, libanais — paient le prix en sang et en silence. Les civils d’Ispahan croulent sous les bombes israéliennes, alors que les habitants de Deraa furent écrasés sous les blindés iraniens. Aucun camp ne se pare ici du manteau de la justice. Aucun drapeau ne mérite d’être salué.

Les peuples arabes n’ont rien à gagner à se réjouir des bombes israéliennes tombant sur Ispahan, pas plus qu’ils ne devaient applaudir la répression iranienne à Deraa. La seule boussole valide pour notre époque est l’allégeance au droit des peuples opprimés — contre toutes les formes de domination : sioniste, perse, turque, ou autres. C’est le combat des femmes et des hommes de conscience, pas celui des États-militations.

De la révolution à la contre-révolution
Ceux qui, en 1979, ont vu dans la révolution iranienne une brèche dans l’ordre impérial ont été trahis. Ce qui se voulait un soulèvement des humiliés est devenu une mécanique d’asservissement des autres. Exporter la révolution ? Le slogan masquait déjà la volonté d’implanter une autorité cléricale impériale, et non de libérer les peuples. L’Iran n’a pas porté la voix des sans-voix, il a bâillonné celles qu’il ne contrôlait pas.

Très tôt, le régime des mollahs a fait de la militarisation une doctrine : la guerre Iran-Irak a servi de matrice, Qassem Soleimani de bras armé, et le Hezbollah de prototype. À travers un arc de milices — en Irak, en Syrie, au Liban, au Yémen — Téhéran n’a cessé de construire un empire parallèle, fondé non sur la coopération entre nations, mais sur la fidélité confessionnelle, la logique clientéliste et l’élimination de toute souveraineté populaire.

Le cas syrien : la faillite morale du régime iranien
En 2011, lorsque le peuple syrien se leva sans armes, avec pour seules revendications la liberté, la dignité, la fin du despotisme, l’Iran aurait pu choisir le camp de l’histoire. Il choisit celui de l’ordre. De la répression. Du massacre.

Derrière la rhétorique du « front de résistance », Téhéran s’est joint à l’armée d’Assad pour écraser une insurrection populaire. Le Hezbollah, fer de lance libanais d’une soi-disant lutte anti-sioniste, a troqué son aura pour la honte : il bombarde Alep, nettoie Qousseir, traque les opposants syriens pour les livrer à la torture. La Palestine ? Elle est absente, oubliée, instrumentalisée.

Le front du Golan est resté silencieux, comme un aveu. Pendant que les quartiers sunnites de Damas brûlaient, la frontière israélo-syrienne restait la plus calme de toute la région. Preuve irréfutable que l’agenda réel de l’Iran en Syrie n’avait rien à voir avec la libération de Jérusalem.

Hezbollah : d’icône de la résistance à bras armé de la répression
Longtemps admiré, notamment après la guerre de 2006 contre Israël, le Hezbollah s’est méthodiquement sabordé. En acceptant de devenir un supplétif militaire au service de Bachar al-Assad, il a sacrifié son image dans le monde arabe. Il a troqué la dignité pour l’obéissance, la résistance pour la discipline iranienne.

Son influence au Liban est devenue étouffante, son poids économique et militaire insoutenable. Il est passé du rôle de bouclier à celui de poison : incapable de proposer un avenir, il ne subsiste que par la menace et l’intimidation. Les jeunes Libanais — y compris parmi les chiites — ne rêvent plus de héros à turbans, mais d’un pays sans milices, sans parrainages étrangers, sans théocratie déguisée en patriotisme.

En Irak, au Yémen, au Liban : partout l’empreinte de la division
L’Irak post-Saddam fut livré aux milices pro-iraniennes, avides de revanche et d’emprise. Le rêve d’un État irakien indépendant a été tué dans l’œuf par les ingérences de Téhéran et la fragmentation institutionnalisée. Les Irakiens l’ont compris, eux qui, dès 2019, brûlaient les consulats iraniens en criant : « L’Iran, dehors ! »

Au Yémen, les Houthis, armés par l’Iran, ont transformé une crise politique en conflit régional. La population yéménite subit aujourd’hui la double peine : bombardée par Riyad, instrumentalisée par Téhéran.

La Palestine comme alibi
Téhéran prétend défendre la Palestine, mais ne fait que s’en servir. Les souffrances palestiniennes sont brandies comme argument pour justifier des guerres par procuration, mais lorsqu’il s’agit de lier concrètement sa stratégie militaire à la libération de Jérusalem, le régime iranien recule. Pas de confrontation frontale avec Israël. Pas de libération. Que des discours.

Pendant que Gaza s’effondre sous les bombes, l’axe dit « de la résistance » ne bouge pas. Il promet, menace, puis se tait. Et les peuples voient, comprennent, retiennent.

Pour une résistance sans imposteurs
Ce siècle ne pardonne plus les travestissements idéologiques. Il n’y a pas de « bons impérialismes », pas de répression vertueuse, pas de milices salvatrices. Le combat pour la justice ne peut être délégué à des régimes qui écrasent leur propre population, ni à des États qui alternent entre massacres de civils et calculs diplomatiques.

Si l’Iran était réellement du côté des peuples, il ne bombarderait pas les révoltes. Il n’imposerait pas son autorité par la milice et la dette, la religion et la terreur.

Il est temps de dissocier la résistance du mensonge. De libérer la cause palestinienne de ses faux amis. De reconnaître que l’Iran, aujourd’hui, est moins un rempart contre l’impérialisme qu’un de ses acteurs déguisés.

Khaled Boulaziz