Le Ramadan, mois de piété et de partage, est là. Mais pour les Palestiniens, il n’apporte ni répit ni bénédiction, seulement la faim, la terreur et la mort. Israël a décidé d’affamer tout un peuple, scellant les frontières, bloquant l’aide humanitaire, orchestrant une famine qui ne dit pas son nom. Et pendant que la Palestine agonise sous les yeux du monde, Al-Azhar, cette institution qui prétend incarner la conscience morale de l’islam, se réfugie dans un silence aussi coupable que révoltant.
Les hautes sphères de cette vénérable université continuent de prêcher la miséricorde et la compassion, vantant les bienfaits du don et du partage en ce mois béni. Quelle ironie grotesque ! Quel déni de réalité ! Parler d’aide et de charité pendant que les enfants de Gaza meurent de faim relève d’une schizophrénie avancée. Comment oser prononcer les mots de justice et de fraternité tout en détournant le regard de cette tragédie orchestrée ? Comment, sans le moindre frémissement de honte, appeler les fidèles à la bonté quand on laisse mourir leurs frères sous un blocus criminel ?
Al-Azhar, jadis flambeau de la justice et rempart contre l’injustice, s’est mué en un temple de la compromission. Ses dirigeants, engoncés dans leurs privilèges, se sont détournés de leur mission première : être la voix des sans-voix, le cri des opprimés, la foudre qui s’abat sur les tyrans. Où sont les condamnations enflammées que l’on aurait attendues ? Où sont les marches grandioses qui auraient dû s’élever des mosquées du Caire jusqu’aux portes de Gaza, défiant l’oppresseur et appelant à briser le siège de la honte ?
Au lieu de cela, on assiste à un naufrage moral, un effacement complice qui entache à jamais l’histoire de cette institution. Jadis, les minarets d’Al-Azhar vibraient au rythme des luttes pour la justice ; aujourd’hui, ils ne résonnent plus que de silences creux et de prières vides. Ceux qui s’enorgueillissent du prestige de leur charge se terrent, murés dans leur confort, préférant la soumission à l’indignation, la prudence au courage.

Mais qu’ils le sachent : leur inaction est une trahison. Une trahison à l’égard des martyrs de Palestine, une trahison à l’égard de l’héritage des savants qui, jadis, brandissaient la parole divine comme un glaive contre l’injustice. Une trahison, surtout, envers des millions de croyants qui voient désormais leur foi vaciller face à tant d’hypocrisie.
Si Al-Azhar persiste dans son mutisme, alors il ne restera plus de cette institution que le nom, un souvenir d’une grandeur passée, désormais souillée par la lâcheté et l’abandon. Mais il est encore temps de redresser l’échine, de briser l’omerta, de faire résonner à nouveau la voix de la justice.
Car si elle échoue à se tenir aux côtés des opprimés en ce mois sacré, si elle continue à feindre l’aveuglement face à cette horreur, alors que reste-t-il de sa légitimité ? Une coquille vide, une institution morte-vivante, dont les prêches ne seront plus que des murmures stériles, emportés par le vent du mépris et de l’oubli.
Khaled Boulaziz