Les pays du Maghreb s’adonnent à une course effrénée à l’armement, comme si chaque acquisition d’acier létal devait effacer les cicatrices laissées par les siècles de domination et de conflits. L’Algérie, souveraine et déterminée, se tourne vers la Russie pour acquérir le Sukhoï 57, ce chasseur redoutable censé offrir la supériorité aérienne sur une région où les tensions se nouent et se dénouent sans fin. Pendant ce temps, le Maroc, rival éternel, s’empresse d’attirer les faveurs de Paris pour s’équiper du dernier Mirage, machine de guerre aussi précise que destructrice.
Les budgets militaires explosent, atteignant des sommets vertigineux : plus de vingt-cinq milliards de dollars pour l’Algérie, vingt-trois milliards pour le Maroc. Tandis que ces chiffres résonnent comme un défi à la raison, les populations observent avec une inquiétude teintée de résignation, conscientes que chaque missile, chaque char, chaque avion acquis est une opportunité manquée de répondre aux besoins urgents de leur quotidien.
Cette frénésie guerrière s’explique par des prétextes qui, bien que crédibles, peinent à masquer l’évidence d’une rivalité historique. L’Algérie, confrontée aux troubles persistants au Sahel, aux tensions libyennes et à l’insécurité de ses vastes frontières, multiplie les efforts pour renforcer ses défenses. Le Maroc, de son côté, focalise son attention sur la consolidation de son autorité dans les provinces sahariennes, prêt à repousser toute incursion du Front Polisario, lequel n’hésite pas à revendiquer des actions dans les zones tampons.
Au-delà de cette dichotomie, les voisins de ces deux puissances régionales scrutent avec anxiété cette escalade. Mauritanie, Libye, Tunisie, Niger – tous craignent de devenir les victimes collatérales d’un affrontement entre Rabat et Alger. Le désert, espace d’interconnexion et de commerce, pourrait devenir un champ de ruines, emportant avec lui les espoirs d’une stabilité déjà fragile. Les ramifications d’un conflit armé ne se limiteraient pas à des frontières abstraites : elles s’étendraient aux tribus, aux liens ethniques et économiques qui transcendent les cartes géopolitiques.
Dans cette surenchère, chaque pays accuse l’autre d’être la source de la menace. Pourtant, le véritable péril ne réside pas dans une hypothétique agression extérieure, mais dans l’incapacité des deux nations à dépasser leurs différends. L’Histoire a prouvé que ce genre de rivalité, nourrie par l’accumulation d’armements, finit rarement autrement que par la confrontation directe ou l’épuisement mutuel.
Les voisins du Maghreb, témoins et victimes potentielles de cette course, appellent à la raison. Ils exhortent à un dialogue franc et inconditionnel pour apaiser les tensions et éviter le pire. Mais le feront-ils à temps ? Chaque jour qui passe voit les arsenaux s’accumuler, les budgets enfler, et les espoirs de paix s’amenuiser.
Dans ce contexte, il ne s’agit pas simplement d’éviter une guerre ; il s’agit de préserver une région entière de la destruction et de l’instabilité. La paix, aujourd’hui, n’est plus une option parmi d’autres : elle est une urgence absolue.
Khaled Boulaziz